HDSMAG67

septembre-octobre 2019 - n°67 | HDS mag |  bilités simplifiées d’accès et de partage de la connaissance, d’apprentissage et d’interaction. Pourtant, on vit souvent le numérique comme une chose obli- gatoire et subie. Il faut utiliser le numérique en portant des projets et non par obligation, auquel cas cela devient une norme codifiée et donc déplaisante. HDS Aujourd’hui, l’heure est à la dématérialisation. Est-ce une avancée dans l’accès au droit ? JFM La dématérialisation et l’accès au droit sont des sujets passionnants dont la clé de lecture d’entrée est la fracture administrative, c’est-à-dire la difficulté qu’a une partie des usagers de l’administration à comprendre comment cela fonctionne, à qui s’adresser, comment faire valoir ses droits. C’est un phénomène antérieur et externe au numérique. Reste que pour une partie de la population, le numérique aggrave ce phénomène et constitue un obstacle supplémentaire tandis que pour d’autres, le numérique apporte des solutions nouvelles et facilite l’information. Par exemple, pour des personnes isolées ou à mobilité réduite, cela peut être un atout formidable. HDS Quelle est, selon vous, une bonne politique d’inclusion numérique ? JFM Il faut privilégier l’articulation avec l’existant - c’est-à-dire les capacités humaines - à la substitution, le remplacement de l’humain. Il est intéressant de renverser les choses et de prendre en considération les usages que l’on fait du numérique. Trop souvent les travailleurs de terrain se forment au numé- rique pour, au final, se retrouver face à un public plus à l’aise qu’eux face à certains outils. Cela parce que la réciproque n’est pas vraie : les médiateurs numériques ne se forment pas aux questions de terrain. Cela aiderait pour- tant à l’appropriation des outils puisqu’on prendrait en compte, en amont, les savoirs d’expérience et d’usages… HDS Quelle société du numérique imaginez-vous dans le futur ? JFM Cela fait quarante ans que j’utilise des systèmes numériques. Je trouve qu’ils ont un potentiel formidable quand on veut faire des choses imprévues. Par exemple, YouTube n’a pas, à l’origine, été créé pour des « tutos » qui font aujourd’hui la vitalité de la plateforme tout comme Le Bon Coin n’a pas été conçu pour la recherche d’emploi…Pour moi, cette future société numérique fertile va continuer à me donner des outils suffisamment puissants pour des usages personnels et collectifs choisis. Mais ce sera aussi une société beaucoup plus frugale : il faudra apprendre à innover avec la contrainte de la rareté sur une planète aux ressources déjà limitées. Les futurs systèmes numériques seront enfin plus résilients et davantage tournés vers le partage des savoir-faire. n Propos recueillis par Mélanie Le Beller Photos : Julia Brechler www.fing.org enfants ont des smartphones et davantage d’écrans dans leur chambre. Les régulations parentales sont peut-être plus rigides dans les classes supé- rieures alors que chez les plus modestes, il y a une sorte de rattrapage par la consommation numérique. On va par exemple céder plus vite à l’enfant qui rentre en sixième et c’est ainsi que l’on a remarqué parfois des écarts d’un à deux ans dans l’équipement en smartphone au collège en fonction du niveau de vie… Mais ce qui est cher, ce n’est pas tant l’équipement que l’abonnement. Sur une année, le prix de tous ces abonnements illimités est bien plus élevé que l’équipement en lui-même ce qui amène les familles moins aisées à posséder un équipement d’assez bonne qualité mais tout en étant contraints de faire des arbitrages sur leur utilisation. On trouve aussi de grandes différences de consommation : les familles plus modestes en milieux plus ruraux vont avoir tendance à partager leurs abonnements tandis que dans les quartiers urbains, nous sommes entrés dans unmodèle de consommation individuelle du numérique. HDS Peut-on parler aujourd’hui d’« injonction au numérique » ? JFM Cette injonction n’est pas neuvemais se régénère régulièrement. On dit qu’il faut utiliser le numérique et ce n’est pas faux car celui-ci offre des possi- L’inclusion numérique, une Question de famille Le prochain Questions de famille sera mis en ligne en octobre sur www.hauts-de-seine.fr , rubrique Solida- rités. Cette fois-ci, la plateforme interactive s’intéresse à l’inclusion numérique avec des professionnels du pôle Solidarités du Département et des experts. Pour la première fois, deux Youtubeurs – un néophyte et un technophile - proposeront une vidéo destinée à vulga- riser la question des fractures numériques. n en t r e t i en Il faut privilégier l’articulation avec l’existant - c’est-à-dire les capacités humaines - à la substitution. 

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