HDSMAG_68

 | HDS mag | n°68 - novembre-décembre 2019 A venante, souriante, la jeune chocola- tière a créé son entreprise à vingt- quatre ans, ouvert sa boutique à trente, et a tout d’une bonne élève du chocolat. Mais sur la devanture de son magasin de Fontenay-aux-Roses, elle s’affiche en grand format, un bandeau de chocolat autour de ses yeux clairs, ou le museau barbouillé, comme un enfant trop glouton. Avec le chocolat Tiphaine Corvez ne calcule pas, mais sans ce petit grain de folie sa vocation aurait-elle résisté aux embûches ? À treize ans, la fillette se régale avec le film Le Chocolat , dans lequel Juliette Binoche ouvre une chocolaterie. « C’est là que j’ai eu envie de faire ce métier. Comme elle, je voulais donner du bonheur aux gens. Mais le vrai goût du chocolat je ne l’ai découvert que bien plus tard !  », lance celle qui dit avoir été élevée aux milka, kinder, nutella et autres friandises industrielles malgré un père cuisinier. Mais le scénario de ses rêves attendra. Adolescente, Tiphaine Corvez se coule dans le moule - « mes parents me disaient passe ton bac S d’abord, tu verras après  ». Puis elle entame médecine sans appétit : «  Je voulais aider les gens en les soignant, mais je me sentais mieux avec mon père, qui animait à l’époque des ateliers de cuisine, qu’en rentrant de la fac !  » Sur ses conseils, elle se forme d’abord en alternance chez un cuisinier puis chez un choco- latier où elle découvre les subtilités de cette matière. «  Le chocolat est capricieux, un peu comme une personne, ce qui fonctionne bien un jour peut ne pas marcher le lendemain ! En fonction de l’humidité, de la température ambiante, il ne réagit pas de la même manière. Je crois que même mon humeur peut compter sur le résultat !  » Ses CAP en poche et après deux courtes expériences chez Jacques Genin puis Adrien et Chocolat, elle décide de fonder son entreprise sans attendre : «  Le côté égocentrique de l’artisan fait qu’il a envie d’exprimer sa patte ! Ce qui m’intéresse dans ce métier, c’est la création. Et puis j’avais le soutien des trois personnes qui comptent le plus pour moi, mes parents et mon compagnon  ». C’est d’ailleurs dans le garage de la maison familiale qu’est aménagé son premier atelier. La première ligne de ganaches « Tiphaine Corvez », savant mélange de chocolat et de crème parfumée qui fait la signature d’un artisan, sort de l’ordinaire : les carrés sont plutôt petits, le chocolat de couverture plutôt épais. «  Ce n’était pas un choix mais le manque d’expérience. Les cadres que j’avais achetés étaient trop petits et comme je n’avais pas non plus les machines les plus perfectionnées, l’enrobage manquait de finesse  ». Au lieu de corriger le tir, elle en fait une marque de fabrique auprès de sa clientèle sur les marchés d’Antony et de Cachan. Mais alors que l’entreprise commence à trouver son rythme, il y a deux ans un incendie ravage son atelier. «  Je crois que c’était le destin. Sans cela je n’aurais jamais sauté le pas d’ouvrir une boutique  », estime- t-elle aujourd’hui. À l’époque, elle réussit à bénéficier de la solidarité de gens du métier et à collecter des fonds sur une plateforme en ligne pour tenir jusqu’aux fêtes de Pâques. En trois mois, un nouvel empla- cement est trouvé et aménagé à F o n t e n a y - a u x - R o s e s . Cette nouvelle affaire prend rapidement son envol et emploie aujourd’hui cinq personnes, dont son compagnon, Simon. Dès qu’elle en a le loisir, la chef d’entreprise s’enferme dans son laboratoire, où, avec une rigueur toute scientifique, elle travaille à rendre ses produits plus sains. Ce qu’elle appelle sa «  recherche développement  ». Ses ganaches, à base de crème, dépourvues de conservateur, sont donc produites au dernier moment. Ses pâtes de fruits ne contiennent que des ingrédients naturels et sont sucrées au miel. Elle a banni partout arômes et colorants mais sans renoncer à quelques touches de couleur. Pour égayer un chapeau du lutin de Noël en chocolat, elle utilisera ainsi de la poudre de fruits «  qui amène un goût en plus  ». Elle tente à présent de trouver la recette des guimauves s a n s g é l a t i n e a n ima l e e t s’impliquer dans la création de filières équitables. Procurer du bonheur au gens, oui, mais pas à n’importe quel prix...  n Pauline Vinatier www.tiphainechocolat.com Installée à Fontenay-aux-Roses, Tiphaine Corvez s’est battue pour réaliser son rêve : procurer « du bonheur aux gens » en apprivoisant le chocolat, une matière qui la fascine. Les caprices du chocolat 

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