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juillet-août 2014 - n°36
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HDS
Au début de votre
carrière, vous construisiez des
maisons au Japon pour de
riches propriétaires. Pourquoi
avoir changé de voie ?
SB : À cette époque, j’étais déçu
par mon métier d’architecte. Je
travaillais pour des gens privi-
légiés, ceux qui ont l’argent ou le
pouvoir, deux choses invisibles,
et qui embauchent donc des
architectes pour leur construire
des monuments à la hauteur de
leur richesse, leur importance,
leur influence. Mais je pense
que l’architecte doit jouer un
rôle social. Nous devons utiliser
notre savoir et notre expérience
pas uniquement pour ces
gens-là ou pour les pouvoirs
publics. Nous pouvons aider, par
exemple, les gens qui ont perdu
leur maison suite à une catas-
trophe naturelle.
HDS
En France, vous êtes
surtout connu pour le Centre
Pompidou à Metz. On dit
que son toit est inspiré d’un
chapeau chinois. Est-ce vrai ?
SB : Oui, un chapeau chinois
que j’avais acheté à Paris
il y a longtemps, en 1998
peut-être, dans une boutique
du boulevard Saint-Germain.
Au Japon, j’ai expérimenté ce
système de toits inspiré du
chapeau sur de petits projets.
Le Centre Pompidou de Metz est
la conclusion de ce processus de
recherche. C’est la preuve que l’on
peut être influencé par des objets
de la vie quotidienne, des choses
simples qui nous entourent.
HDS
Vous affirmez aussi
que vos constructions sont
influencées par leur environ-
nement immédiat. Comment
cela se confirme-t-il pour la
Cité musicale départementale
sur l’île Seguin ?
SB : Quand je construis quelque
chose, je prends toujours en
compte le contexte, l’environ-
nement est très important. J’aime
trouver une solution spécifique
à un lieu spécifique et non
pas reproduire la même chose
partout. La Cité musicale dépar-
tementale devait s’insérer dans
le projet global dont l’architecte
coordinateur est Jean Nouvel. Par
ailleurs, le conseil général nous
avait demandé de construire sur le
pointe aval de l’île un monument,
et non pas un simple bâtiment,
marquant une porte d’entrée sur
Paris. Comme je ne suis pas le
genre d’architecte qui dessine
des formes sculpturales, j’ai
décidé de m’appuyer sur les
technologies environnementales.
Un des éléments forts du projet,
c’est donc cette voile, comme
celle d’un bateau, recouverte de
panneaux photovoltaïques et qui
suivra la courbe du soleil. Selon
le moment de la journée où vous
visiterez le site, le monument
sera donc différent. Ce n’est pas
commun.
HDS
Et pourquoi avoir
choisi le bois pour cette
coque tressée qui abritera
l’auditorium ?
SB : Le bois est un matériau
qui m’intéresse énormément,
pas seulement pour des raisons
environnementales. Je voulais
tout d’abord créer du contraste
avec le béton. Ensuite, j’aime le
bois car il est difficile à travailler,
c’est un matériau contraignant
contrairement au métal par
exemple. Le bois servira aussi
de lien entre l’intérieur et l’exté-
rieur du bâtiment. En effet, dans
l’auditorium, beaucoup d’élé-
ments seront en bois car les
musiciens l’apprécient pour ses
qualités acoustiques.
HDS
J’ai lu que votre père
aimait beaucoup la musique
classique. Et que vous-même
aviez appris le violon étant
jeune. Ce projet a-t-il donc
une importance particulière
pour vous ?
SB : Grâce à mon père, je suis
un grand fan de musique
classique en effet. C’était une
sorte de rêve de dessiner un
auditorium. Celui de l’île Seguin
sera en réalité mon deuxième. Le
premier c’était à Aquila en Italie
après le tremblement de terre de
2009. Il devait être temporaire
mais il est toujours là. Même s’il
était petit, je me souviens encore
du concert d’ouverture. Je suis
donc très enthousiasmé par ce
nouveau projet sur l’île Seguin,
un grand projet cette fois.
Surtout pour quelqu’un comme
moi qui n’a aucun talent pour la
musique.
n
Propos recueillis par
Émilie Vast
Photos : Olivier Ravoire
Shigeru Ban dans son agence
à Paris avec la maquette
de la Cité musicale.