juillet-août 2016 - n°48
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HDS
mag
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po r t r a i t
l l e s o r t d ’ une t r o i s i ème
place en Coupe du Monde à Shanghai, avant d’attaquer
les championnats d’Europe en Pologne. La dernière ligne
droite avant Rio approche pour Ysaora Thibus. La sportive de
24 ans aborde déjà ses deuxièmes Jeux. En 2012, elle découvrait
cette compétition du haut de ses vingt ans. «
Je ne savais pas à
quoi m’attendre, j’étais plutôt une outsider. Même si nous n’avions
pas eu de médaille puisque nous étions arrivées quatrième, je me
souviens d’une ambiance de folie !
» Quatre ans plus tard, tout
a changé. La Guadeloupéenne domine le fleuret au niveau
national et se classe cinquième au rang mondial. De quoi
nourrir nettement plus d’ambitions. «
J’ai beaucoup travaillé
depuis Londres. J’ai mûri, j’ai construit ma vie à côté de l’escrime
avec un projet professionnel. La pression a augmenté mais j’essaie
d’en faire du stress positif en me préparant mentalement.
»
L’escrime, un hasard
Entre Ysaora et l’escrime, tout a commencé par hasard.
À l’âge de sept ans, elle pousse la porte de sa première salle
d’armes pour accompagner son frère à une initiation. Lui
est vite parti, elle est restée. «
À l’époque, je faisais de la danse
classique, ce qui n’avait rien à voir. Je n’avais jamais vu d’escrime
à la télévision, je n’y connaissais rien. Au départ, ce n’était pas
vraiment un choix.
» Pas un choix, mais, très vite, une évidence :
ce sport est fait pour elle. «
Je n’ai pas choisi l’escrime, c’est l’escrime
qui m’a choisie
», résume-t-elle. Petit à petit, Ysaora grimpe les
échelons, avec plusieurs titres de championne de France junior,
dont le premier en 2005. Elle en cumule aujourd’hui douze.
À l’assaut de la métropole
En 2008, c’est le grand saut. À l’âge de dix-sept ans, Ysaora
quitte Pointe-à-Pitre et son île natale pour partir à l’assaut
de la métropole. «
On m’avait déjà proposé de partir deux ans
auparavant mais je ne me sentais pas prête. Venir en métropole
c’était une décision mûrement réfléchie. Pour évoluer dans ce sport,
il fallait le faire. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller.
» Elle prend
alors sa licence à l’AS Bourg-la-Reine, convaincue par le
discours des dirigeants. «
J’ai tout de suite eu un bon feeling avec
eux. En arrivant en métropole, je ne connaissais personne, je n’avais
aucun ancrage. C’est un ami qui m’a parlé de Bourg-la-Reine.
Je voulais un club familial, prêt à me soutenir, et je l’ai trouvé.
»
Très vite, les titres s’enchaînent chez les seniors : championne
de France en individuel en 2011, vice-championne d’Europe
E
L’escrime est un
sport où je me sens
libre, où je peux
m’exprimer. J’ai un
style très offensif
auquel le fleuret se
prête bien puisqu’il
donne la priorité à
celui qui attaque.
en équipe l’année suivante. «
Jouer en équipe me transcende.
J’ai le rôle de finisseuse, ce qui me donne beaucoup de responsa-
bilité. J’aime sentir que mes partenaires ont confiance en moi.
»
Après les JO de Londres, en 2013, elle termine troisième
en individuel - la première médaille internationale de sa
carrière en senior - et vice-championne du monde par équipe.
«
Ces victoires m’ont montré que je pouvais avoir confiance en
moi.
» En 2014 et 2015, toujours en équipe, elle engrange
les médailles aux championnats du monde et d’Europe.
Crowdfunding
Aujourd’hui, cette compétitrice née s’entraîne à l’Insep,
qui forme les meilleurs sportifs français. Là, Ysaora jongle
entre les entraînements et ses études de marketing à l’ESCP
Europe. «
J’ai cinq à six heures de sport par jour et entre temps,
les cours. Le rythme est intensif et me laisse très peu de temps
libre. C’est parfois difficile mais c’est le rythme que j’ai choisi.
» Sa
qualification en poche depuis mai dernier grâce à une bonne
saison (une victoire en Coupe du monde à Cancùn, un quart
de finale aux championnats du monde à Moscou, sa place dans
le top 5 mondial), elle a demandé un semestre de pause à son
école pour se concentrer sur les Jeux. Pour mettre toutes les
chances de son côté, elle a également mené une campagne de
crowdfunding
pour financer sa préparation. «
Il y avait en contre-
partie, un véritable échange avec les donateurs comme une visite à
l’Insep ou des maillots de l’équipe de France, donc c’était plutôt cool
à faire. Ceux qui ont participé se sont vraiment impliqués dans mon
projet.
» Après les Jeux, la vie reprendra son cours pour Ysaora
Thibus qui devra trouver un stage dans le cadre de ses études
de marketing. Les JO, une parenthèse pleine de promesses
dont l’escrimeuse espère revenir dorée.
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Mélanie Le Beller
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