HDS.mag n°34 - page 11

mars-avril 2014 - n°34
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en t r e t i en
citoyen aspire à devenir acteur
de son destin… Les intercommu-
nalités, patiemment et démocra-
tiquement construites, fondées
sur l’envie de travailler ensemble,
de partager les savoir-faire et les
atouts, ces intercommunalités
sont purement et simplement
supprimées pour être fusionnées
dans un monstre technocratique
regroupant 128 communes, plus
de 6,5 millions d’habitants…
mariés de force ! Mais qui peut
croire que la question du loge-
ment sera mieux traitée par cette
nouvelle administration, éloignée
des citoyens, qui va mettre des
années à s’installer et qui va géné-
rer une dépense publique exorbi-
tante ? Car sur le fond, la crise
du logement n’est que le symp-
tôme d’un mal très français :
l’hypercentralisme. La France
crève du centralisme. L’Île-de-
France crève du centralisme. Et
la métropole du Grand Paris, telle
qu’elle a été conçue, ne fera qu’ag-
graver les choses. En France,
depuis le Roi Soleil, tout se décide
à Paris. La richesse nationale, les
emplois, les administrations, les
infrastructures, tout est accu-
mulé en Île-de-France, voire en
première couronne. Alors logi-
quement, ça finit par coincer. Il
n’y a plus de place pour se loger,
plus de place pour circuler, plus
de place pour respirer !
Dans un schéma où la métro-
pole se verrait confier ces
compétences stratégiques
que vous évoquez, qu’est-
ce qui justifierait le maintien
des Départements ?
Entre 2008 et 2014, le budget
consacré à la solidarité du conseil
général des Hauts-de-Seine a
augmenté de 52 millions d’euros.
Il atteint aujourd’hui 704 mil-
lions d’euros, utilisés dans des
domaines aussi divers que les
dispositifs de retour à l’emploi, le
RSA, le handicap, les personnes
âgées ou la petite enfance. La soli-
darité suppose à la fois un fort
professionnalisme et une grande
proximité. Chaque administré est
un cas particulier. Et pour réaliser
ce travail en finesse et en huma-
nité, le couple Département–
commune est indissociable. Je
n’ose imaginer ce que donnerait
la politique sociale si elle était,
demain, transférée à la métropole
du Grand Paris ! Il n’en demeure
pas moins que des rationalisa-
tions sont nécessaires, d’où ma
proposition de fusionner les
départements entre eux, comme
les Hauts-de-Seine et les Yve-
lines. C’est un projet auquel nous
réfléchissons depuis un an. Nous
créerions ainsi une collectivité de
trois millions d’habitants. Cela
permettrait des économies et la
mutualisation de nos moyens.
Pourquoi les Yvelines ?
Nous travaillons déjà ensemble
sur des projets de transports en
commun comme le tramway
Châtillon-Viroflay ou le prolon-
gement d’Éole à l’Ouest. C’est
aussi le département avec lequel
nous avons la plus grande fron-
tière commune. Mais surtout
nous voulons fusionner avec les
Yvelines parce que nous sommes
d’accord sur la politique à
conduire et que nous ne sommes
pas d’accord pour faire la même
politique que la Seine-Saint-
Denis qui l’a conduite à la situa-
tion désastreuse qu’elle connaît
aujourd’hui.
Il faudrait passer par un
référendum…
Oui. C’est d’ailleurs paradoxal
qu’il faille organiser un réfé-
rendum pour fusionner deux
départements alors qu’il n’en
faudrait pas pour contraindre
quatre départements et 128 com-
munes à intégrer la métropole du
Grand Paris !
n
Propos recueillis
par Rafaël Mathieu
dont il confie la présidence à l’un
des siens, et qui à son tour crée
sa propre administration, génère
ses propres projets. Le dernier en
date : un Observatoire des gares,
qui ne manquera pas de pondre
de doctes rapports pour justifier
son existence, son budget, ses
effectifs…
Vous avez été particulière-
ment virulent à l’égard de
la métropole du Grand
Paris : n’est-ce pas justement
une tentative de simpli-
fication de l’organisation
territoriale ?
Que ce soit bien clair : je suis favo-
rable à la création de métropoles.
Mais je pense qu’elles doivent se
voir confier les compétences stra-
tégiques comme les transports,
les grands axes routiers, les aéro-
ports, l’économie… toutes choses
qui, précisément, n’ont pas été
confiées par le gouvernement
à la métropole du Grand Paris
dont la création est prévue au
1 er janvier 2016 et dont on nous
dit maintenant qu’elle pourrait
absorber les trois départements
de la première couronne… Mais
ce que je regrette aussi, c’est la
méthode : par un simple trait de
plume, sans étude préalable, sans
aucune concertation, sans débat
démocratique, le gouvernement,
assisté d’une poignée d’élus, a
réalisé un véritable hold-up ins-
titutionnel ! Évidemment, les
questions institutionnelles sont
abstraites et compliquées. Elles
n’intéressent pas grand monde.
Mais tout de même… Quel
archaïsme, quel retour en arrière,
alors que notre époque voit
l’émergence d’une société de plus
en plus horizontale, où les intel-
ligences, les richesses, les projets
sont mis en réseau, où chaque
entre Régions, Départements et
communes. Or c’est l’État qui
à chaque étape de la décentrali-
sation n’a eu de cesse de garder
la main par des biais détournés,
en multipliant la création d’éta-
blissements exerçant pour son
compte des missions de service
public, doublonnant souvent des
politiques confiées aux collecti-
vités. À côté du millefeuille des
collectivités il y a le chou à la
crème de l’État qui grossit tous
les jours… Après tout, les collec-
tivités ne sont à l’origine que de
7 % de la dette publique alors que
l’État l’est à 70 %…
Pouvez-vous donner un
exemple ?
Sachez qu’il n’existe pas moins de
1 244 agences de l’État, chacune
ayant son budget, ses effectifs,
et doublonnant les ministères
et les collectivités ! Ainsi, pour
mieux contrôler la Société du
Grand Paris qui n’avait pas été
créée par lui, le gouvernement
invente un Comité stratégique,
« Dans le domaine social,
le couple Département-
commune est indispensable »
cg
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olivier
ravoire
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