

novembre-décembre 2015 - n°44
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HDS
mag
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en t r e t i en
sur ce que l’on a appelé les « lieux
significatifs » : ce sont des lieux qui
pour les habitants de la métropole
ont la valeur d’un « monument »
et donc des lieux qui représentent
les diversités du territoire. Dans le
Paris intra-muros, le Paris histo-
rique, ils sont nombreux. Mais
au-delà du périphérique aussi,
contrairement à ce qu’on aurait pu
penser. Parfois ce sont des parcs,
des monuments, des marchés, des
grands ensembles… Cette diversité
les nœuds d’accessibilité. Il ne
s’agit pas de préférer un système
à l’autre mais de les enchevêtrer.
Notre stratégie reposait sur trois
niveaux de vitesse avec trois types
d’espace correspondant. Celui de
la grande vitesse avec les TGV.
La vitesse moyenne avec les trains,
tramways, RER, bus à haut niveau
de service. Et, la troisième partie,
la plus fragmentée aujourd’hui,
celle de la faible vitesse. Le vélo et
la marche à pied ne doivent pas
partent du bâti ou des infrastruc-
tures. Là, nous sommes partis de
l’eau pour ensuite penser au bâti, aux
transports, à la biodiversité…
HDS
Est-ce aussi un moyen de
sortir du débat ville compacte
contre ville diffuse ?
PV
Il n’y a pas une forme qui soit
préférable aux autres. Un projet
ne doit pas partir d’un choix : ville
radioconcentrique plutôt que multi-
polaire ou ville polarisée plutôt que
dispersée. C’est un débat idéolo-
gique qu’il faut, encore une fois,
dépasser. Une ville peut être les
deux car une ville compacte est
forcément intégrée dans quelque
chose de plus large. Une ville, ce
sont des formes d’urbanité diffé-
rente. Et chaque forme a besoin
d’une stratégie propre.
HDS
Vous parlez souvent
de projets radicaux ou de
scénarios extrêmes. Qu’en-
tendez-vous par là ?
PV
Les problèmes auxquels sont
confrontés les villes se radicalisent.
Tout le monde en est conscient.
Pour y faire face, on ne peut
imaginer un projet qui ne soit
radical. Jusqu’à maintenant, on a
fait beaucoup d’expérimentation
pour limiter la consommation
d’énergie, produire des énergies
renouvelables, mieux gérer les eaux,
limiter le trafic. Mais l’effort que l’on
va devoir faire est beaucoup plus
important. Et pour cela, il va falloir
faire marcher notre imagination,
repousser les frontières, penser
des scénarios extrêmes. Même si
l’on sait que l’on n’arrivera pas à
ces situations tout de suite, voire
jamais, c’est un moyen de produire
des idées. Par exemple, pourquoi
ne pas imaginer une ville sans
voitures et définir ce que l’on ferait
des espaces réservés avant à l’auto-
mobile ? Une autre idée radicale
est celle du recyclage 100 %.
Les bâtiments représentent une
grande part de notre consommation
d’énergie. Les éco-quartiers que l’on
va bâtir ne suffiront pas. Il faut donc
imaginer devoir restructurer tout
le patrimoine bâti. C’est un enjeu
énorme qui nous oblige à sortir
d’une politique facile qui consiste
à trouver des terrains vierges ou à
raser pour reconstruire.
HDS
Dans tous ces débats,
l’urbaniste a une certaine
responsabilité selon vous…
PV
Un projet de territoire durable
est le résultat d’une approche qui
mêle des points de vue, des disci-
plines et des savoirs différents. Or,
l’urbaniste est quelqu’un qui n’est
pas trop spécialisé et qui a une
vision de synthèse. Il se doit donc
d’être curieux des autres et ensuite
de tout mettre ensemble.
HDS
Et le rôle des habitants
dans tout ça ?
PV
Notre idée c’est de construire
un support qui donne des condi-
tions dans lesquelles le territoire
peut évoluer plutôt que de figer
certaines polarités et d’en exclure
d’autres. Cette « ville poreuse » est
un projet pour d’autres projets,
collectifs et individuels. Le rôle des
individus n’est pas suffisamment
pris en compte. Or, il faudrait être
capable de capter ces énergies, cette
capacité qu’ils sont à transformer
le contexte qui les entoure.
n
Propos recueillis
par Émilie Vast
Photos : Olivier Ravoire
être réservés à des déplacements
locaux, à de courtes distances.
HDS
Pour vous, la Seine doit
aussi être pensée comme un
mode de transport…
PV
La Seine est un élément
important du territoire parisien, un
élément symbolique et identitaire
de la métropole. Mais c’est aussi elle
qui a travaillé la géologie du territoire
et dessiné sa forme. La question de
l’eau faisait partie de nos stratégies.
Il ne s’agissait pas d’un simple
projet de valorisation des berges.
Nous avons proposé de réfléchir
sur le Grand Paris à partir de l’eau -
c’était un peu notre point de départ - :
prendre en compte la gestion
des risques en zones inondables,
créer des zones humides, des réser-
voirs, des systèmes d’évacuation des
eaux pluviales, des ports urbains…
Habituellement, les urbanistes
Paola Viganò, invitée des EAK
L’urbaniste italienne était l’un des intervenants, avec
l’ingénieur et prospectiviste Thierry Gaudin, des Entretiens
Albert-Kahn organisés le 18 septembre à Courbevoie dans
le cadre du festival Atmosphères. Le laboratoire d’inno-
vation publique du conseil départemental s’intéressait ce
jour-là aux « villes de demain ». Les comptes rendus des
sessions précédentes et le programme des événements
à venir sont disponibles sur eak.hauts-de-seine.fr.
n
est liée au multiculturalisme
de la région parisienne. Le projet
urbain doit s’appuyer sur ces lieux
et renforcer leur rôle de balise terri-
toriale.
HDS
Les t ranspor t s en
commun sont un problème
majeur en Île-de-France. Que
proposiez-vous, notamment
par rapport au Grand Paris
Express ?
PV
Notre deuxième stratégie
concernait justement l’acces-
s i b i l i t é aux t r anspo r t s en
commun. Certaines parties du
projet de Grand Paris Express
sont très intéressantes mais
pour d’autres, nous sommes
moins convaincus. À la rocade
qui crée toujours un intérieur et
un extérieur, nous, nous avions
préféré un grand maillage qui
tresse la métropole et multiple
CD92 / O
livier
R
avoire
« La Seine est un élément
identitaire de la métropole.»