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mars-avril 2015 - n°40

|

HDS

mag

|

4

po r t r a i t

© T

imOThy

S

aCCenTi

ujourd’hui, il ne se verrait

pas faire autre chose que

de la musique. Pourtant, il y

a quelques années, il n’envisa-

geait pas d’en faire son métier.

Et ça c’était juste après le moment où il n’envi-

sageait pas d’en faire du tout. Rone, de son vrai

nom Erwan Castex, est né en 1980 à Boulogne-

Billancourt. Il grandit porte de Saint-Cloud,

à Paris. «

C’est dans le cadre très intimiste de la

maison que la musique est arrivée naturellement,

en douceur

», raconte-t-il. Entre le rock de sa sœur

de trois ans son aînée et la musique classique

et le jazz de sa mère. À l’adolescence, Erwan

échange des disques avec des copains et découvre

le rap. Au milieu de tout cela, il y a une leçon

catastrophique de piano et un vieux saxophone

acheté aux Puces. «

Quand j’ai découvert que je ne

jouerais jamais comme Charlie Parker, j’ai vite laissé

tomber.

» Il prend sa revanche quelques années

plus tard quand la musique électro entre dans

sa vie «

avec fracas

» selon sa propre expression.

«

Je découvre qu’il est possible de faire de la musique

avec un ordinateur et des machines. Ça m’ouvre

des horizons dingues. Ce qui me plaît alors c’est qu’il

n’y ait pas de règles, à l’opposé de l’image un peu

laborieuse et stricte du conservatoire.

»

La suite ? Il en est le premier surpris. «

J’enre-

gistrais pour moi dans ma chambre. Comme je suis

insomniaque, ça me faisait du bien

, se souvient-il.

Mais c’était personnel, je n’avais aucune ambition.

J’avais dû faire écouter ce que je faisais à deux ou

trois personnes

». Il faut dire qu’Erwan, c’est encore

lui qui le dit, est «

maladivement timide

». Du

genre à «

être fou amoureux d’une fille, lui graver

un CD mais ne jamais aller lui parler

». Un ami

le pousse à proposer ses morceaux à des maisons

de disques. Il en choisit trois. Toutes disent oui.

Erwan choisit Infiné. Rone – son nom de scène

est lui aussi un hasard de l’histoire, une faute

de frappe, un point oublié sur un flyer annonçant

un des premiers concerts de R.One (à prononcer

comme son prénom)– sort son premier album

Spanish Breakfast

en 2009. Suivra

Tohu Bohu

en 2012. Les deux sont salués par la critique et

le public. Le 31 octobre 2013, Rone joue pour

la première fois à l’Olympia. Il se produira aussi

aux Vieilles Charrues, aux Transmusicales –

en décembre dernier en tête d’affiche - et dans

des festivals en Belgique, au Canada et aux États-

Unis. Celui qui pendant longtemps s’est senti

«

comme un imposteur

» commence depuis peu

à dire et à se dire qu’il est vraiment musicien.

En février est sorti

Creatures

, un troisième album

toujours électro mais avec plus de voix, plus

d’instruments, plus de production… «

À mes

débuts quand on me demandait de définir mon

travail, je parlais de musique électronique bricolée.

Il n’y avait rien de péjoratif là-dedans. J’aime ce côté

artisanal. Mais cette fois, j’ai voulu aller plus loin,

j’ai donc travaillé notamment avec un ingénieur

du son.

» Et puis Erwan, malgré ses airs d’éternel

adolescent, petites lunettes, cheveux en bataille,

a mûri. «

Je grandis avec mes disques

, résume-t-il.

Le premier était maladroit, chétif, fragile… Le second

était plus costaud. Celui-là, c’est un album de papa,

parce que je l’ai écrit avec ma fille dans les pattes.

On l’entend d’ailleurs sur le disque. Ma musique

s’est un peu adoucie, elle a gagné en émotions et

le tempo s’est ralenti.

» Pour

Creatures

, Rone a

aussi multiplié les collaborations : un trompet-

tiste japonais, une chanteuse québécoise, Bryce

Dessner le guitariste de The National, François

Marry de François and The Atlas Moutain,

le violoncelliste Gaspard Claus, un fidèle, qui

l’a déjà accompagné et Étienne Daho. Rone

aime sortir des sentiers battus. «

Chaque colla-

boration est née d’une histoire différente. Mais tous

ces échanges m’intéressent. Cette énergie collective est

très importante surtout quand on est un musicien

électro et qu’on passe beaucoup de temps seul en

studio

». Au-delà de ses albums, Erwan a été

invité en résidence au festival d’Ambronay avec

des musiciens baroques et un pianiste, collaboré

avec le photographe Stéphane Couturier pour

une bande son et composé celle du film

La Femme à cordes

de Vladimir Mavounia Kouka

- qui avait réalisé le clip de

Spanish Breakfast

en

2011. Le cinéma et l’image en général tiennent

une place importante dans l’univers d’Erwan.

Il n’y a qu’à regarder l’univers visuel qui entoure

chacun de ses albums, ses pochettes, clips,

ses mises en scène. Il faut dire qu’après son

bac gestion, il s’était inscrit en fac de cinéma

à la Sorbonne Nouvelle. «

Le cinéma, c’est ce

que je pensais faire de ma vie. La musique, c’était

seulement une récré.

»

n

Émilie Vast

A

DEUX MOIS APRÈS LA SORTIE DE SON NOUVEL ALBUM,

IL SERA À L’ AFFICHE DE LA SOIRÉE ÉLECTRO

DU FESTIVAL CHORUS LE 4 AVRIL À LA DÉFENSE.

J’ai peur que ça

s’arrête du jour

au lendemain.

Je suis tellement

heureux de vivre

de ma musique.

Je ne vois pas ce

que je pourrais faire

d’autre. C’est une

de mes angoisses.

Comme quand je me

produis. Je suis

malade à en vomir.

Mais une fois sur

scène, je me sens

vivant. C’est les

montagnes russes,

un ascenseur

émotionnel.

Je ne peux plus

m’en passer.