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HDS
mag
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n°46 - mars-avril 2016
c u l t u r e
3
L
a subjectivité, les épanchements et le pathos, ils n’en
veulent pas. Avec ces trois-là, l’abstraction est une
profession de foi, la géométrie un sacerdoce. Et peut-être
même péché la grande efflorescence de l’abstraction
lyrique, l’éclat de peinture et l’accident de toile. La ligne, la verticale,
l’horizontale – et cette croisée diagonale qui permet, combinée aux
autres, de multiplier formes et structures au sein de ce que l’on
appelle l’art construit. Roger Bensasson est l’aîné du triptyque. Il use
désormais, en octogénaire accompli, d’un signe dynamique,
électrique, qu’il incise et découpe dans du carton épais, ouvrant sa
rigueur janséniste sur les délices du relief. Avec Charles Bézie,
de quelques années son cadet,
Espaces et variations
devient un
manifeste autant plastique que musical. Une peinture du rythme et
de la ligne, fondée sur des suites mathématiques dont on ressent
immédiatement la force et les silences, comme on écoute la beauté
d’un solfège parfaitement maîtrisé. Joël Besse est un sexagénaire
débarrassé du superflu : un module minimal, le temps nécessaire à
le répéter en creux inlassablement sur des surfaces essentiellement
blanches, au rythme discret d’une couleur primaire qui sonne alors
comme un bourdon.
Austère ? Si l’on veut, mais alors austère et profondément beau,
comme un cloître cistercien ou une fugue de Bach.
n
www.maisondesarts-chatillon.frBBB
Trois artistes « géométriques » exposent ensemble
leurs
Espaces et variations
à la Maison des Arts
de Châtillon, du 18 mars au 30 avril.
A
vec
United Land
-
Inversion de pôle
, François Ronsiaux
imagine à perte de vue des villes noyées dans les eaux qui
ont trop vite monté, des mers gelées d’où émerge à peine
une pointe d’immeuble. Il faut dire qu’avec trois cents mètres
d’élévation du niveau des océans, il ne resterait plus grand-chose…
Ses compagnons d’exposition, photographes et vidéastes
(Guillaume Baychelier, Antoine Delacharlery, Michaël Le Meur,
Édouard Salier entre autres), explorent le même entre-deux : ce
monde est le nôtre et ne l’est bientôt plus. Depuis son apparition,
l’homme s’est toujours nourri sur la bête et la terre, mais là, on a
l’impression qu’il exagère…
System Failure
, c’est la défaillance du
système économique, environnemental, que nous avons mis en
place et qui scie la branche sur laquelle… Les œuvres sont magni-
fiques et dérangeantes, on les regarde comme fascinés : les artistes
exposés au Cube d’Issy-les-Moulineaux sont moins de sinistres
oiseaux de mauvais augure que des lanceurs d’alerte visionnaires.
Jusqu’au 23 juillet, en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard…
www.lecube.comDemain
l’hiver ?
Jardin
inouï
C
’est à un autre univers du jardin que la Maison des Arts
de Bagneux, en partenariat avec la Maison de la Musique,
a décidé d’offrir ses espaces du 19 février au 12 avril.
Un jardin inouï – au sens premier -, plastique et sonore, composé
spécialement pour le lieu par la plasticienne Cécile Le Talec. L’artiste
a l’ouïe voyageuse, l’imagination vagabonde : les langues sifflées
du bout du monde, les instruments indiens qui parlent autant qu’ils
sonnent, et, bien sûr, le chant des oiseaux d’ici et d’ailleurs.
Les oiseaux de
Trackingsong
sont de chez nous puisqu’ils y volent et
chantent, et pourtant ils viennent d’ailleurs : ce sont ces perruches
exotiques, vertes et bavardes, naguère encagées et qui après avoir
recouvré une liberté inattendue, semblent avoir choisi le plaisir
de nos jardins. Au centre de cette installation accompagnée
de photos et de sculptures sonores made in Bagneux, le film
Trackingsong,
sur une composition d’Eddie Lardoire, est une ballade
nocturne infinie dans le ciel par-dessus les toits :
« dans l’obscurité,
seules les apparitions sont visibles… »
n
www.bagneux92.fr© D
R
© DR