

mars-avril 2016 - n°46
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HDS
mag
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po r t r a i t
rance, Belgique, mais aussi Pologne, Royaume-
Uni, Allemagne… La tournée de Jain est à l’image de sa vie et
de sa musique, elle fait voyager. Jain ou plutôt Jeanne, de son
vrai nom, naît en 1992 à Toulouse mais grandit à Pau. C’est là
qu’elle commence la musique. «
Au départ, ce sont mes parents
qui m’ont obligée à m’inscrire au conservatoire. Mais aujourd’hui
je les remercie
», sourit-elle.
Percussions
Elle choisit tout de même son instrument, ce sera la batterie.
«
Peut-être parce que ma mère
[d’origine malgache, ndlr]
écoutait
beaucoup de musique africaine : Miriam Makeba, Salif Keita,
Youssou N’Dour, Fela Kuti… où les percussions sont très présentes.
Mon père a des goûts très éclectiques, plutôt blues ou rock.
» Deux
ans plus tard, alors qu’elle a neuf ans, son père justement est
muté à Dubaï. Jeanne se met à la derbouka, une percussion
arabe. Puis la famille doit à nouveau déménager. Direction
Pointe-Noire au Congo. Là, l’adolescente s’essaie à la guitare et
rencontre Monsieur Flash, un
beatmaker
. «
C’est lui qui va me
donner mes premiers logiciels pour que je puisse m’enregistrer chez
moi.
» Jeanne se met à écrire et composer. «
Le fait de chanter, je
le dois un peu à mes sœurs. Elles ont fait dix ans de chant lyrique.
Et comme toutes les petites sœurs, j’avais envie d’imiter les grandes.
»
Jeanne a alors 16 ans. «
J’avais besoin de raconter ce que je vivais.
Je me posais les questions qu’on se pose à cet âge-là et surtout je me
sentais déracinée. La musique, c’était mon refuge.
» Au départ,
elle compose juste pour elle. «
J’avais peur de faire écouter mes
chansons.
» Puis elle en parle à son entourage et finit par publier
ses titres sur MySpace. C’est comme cela que Maxim Nucci,
alias Yodelice, la découvre. «
Mais j’étais trop jeune
, raconte-
t-elle.
Je ne me sentais pas encore prête pour faire un album.
»
Jeanne passe donc son bac. Pas au Congo mais à Abu Dhabi,
s’installe à Paris, s’inscrit en prépa art et cinq ans après leur
première rencontre revient voir Yodelice avec des «
maquettes
plus abouties
».
Melting pop
«
Il m’a apporté beaucoup de professionnalisme
, confie la
chanteuse.
Il m’a donné plein de conseils. Mais il n’a pas dénaturé
ma musique. Et c’est ce qui me paraissait essentiel.
» De cette
collaboration est né
Zanaka
– ce qui signifie « enfant » en
malgache – un premier album sorti en novembre dernier, un
«
premier bébé
». «
C’est un album qui voyage, multiculturel
»,
raconte Jain (prononcez Jane), un nom de scène inspiré du
F
Au Congo,
la musique est
faite pour danser,
partager… C’est
ce que j’avais envie
de reproduire, faire
un album festif et
joyeux. J’en avais
même besoin.
jaïnisme, une religion indienne dont l’une des pensées lui plaît
particulièrement : «
Ne sois pas déçu si tu perds. Ne sois pas fière si
tu gagnes
». Mélangeant électro, pop, hip-hop, funk, les dix titres
sont un condensé de
feel good music
. «
Au Congo, la musique est
faite pour danser, partager… C’est ce que j’avais envie de reproduire,
faire un album festif et joyeux. J’en avais même besoin.
» Le clip du
single
Come
a été vu plus de 6,5 millions de fois sur Youtube. Le
titre
Makeba
, hommage à l’interprète de
Pata Pata
, servira, lui,
pour la nouvelle campagne de la marque de téléphonie Sosh.
Et surtout, Jain est nommée aux Victoires de la Musique dans
la catégorie Album révélation de l’année.
Pourtant, la jeune chanteuse reste prudente. «
Sortir l’album
n’était que le début. Maintenant il faut transformer l’essai
».
Shiva
Ce n’est pas pour rien si sur la pochette de
Zanaka
, Jain a été
transformée en Shiva à six bras. Elle est auteur, compositeur,
interprète mais aussi directrice artistique – «
J’ai longtemps
hésité entre la musique et les arts graphiques
» – et sera seule sur
scène pendant toute sa tournée avec sa guitare, son looper et
sa petite robe noire à col claudine. «
Je voulais une tenue plutôt
sage, qui ne me catégorise pas. J’aime bien l’effet que ça fait aux
gens quand je monte sur scène et que je commence à rapper par
exemple… Être seule sur scène c’est une prise de risque. Si je me
trompe, il n’y aura personne pour me rattraper. Mais je cherchais un
concept scénique assez fort, identifiable et, encore une fois, quelque
chose qui me ressemble. Réussir à capter seule une salle entière, ce
sera un challenge.
» Encore plus aux États-Unis ? «
J’ai choisi
l’anglais pour que ma musique voyage et que je continue de voyager
avec
, avoue Jain.
L’album a été bien accueilli en Pologne. Je ne m’y
attendais pas du tout. C’était assez drôle. C’est vrai qu’on a aussi eu
des retours positifs venant des États-Unis sans avoir rien demandé.
Donc on verra bien. Mais ma priorité reste la France.
»
n
Émilie Vast
© DR