septembre-octobre 2016 - n°49
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HDS
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po r t r a i t
uelque part entre La Défense et
Nanterre, sur des pans de murs désaffectés de son terrain de jeu
habituel, les dessins de Jo Ber s’alignent. Des dessins portant
sur l’actualité comme cette allégorie de l’affaire Kerviel ou tout
simplement les trois lettres de son pseudo : Ber, trois lettres
choisies «
pour leur rondeur
». C’est dans cet endroit si singulier,
au pied des tours, que Jo Ber passe la plupart de son temps.
Le quartier d’affaires, il le connaît par cœur d’autant qu’il est
né à Suresnes et a grandi à Puteaux. «
En fait ce sont surtout ses
sous-sols qui m’inspirent. J’ai découvert le quartier hors des sentiers
battus et je profite de ces endroits à part.
»
Cahiers d’école noircis
Petit, Jo Ber dessinait déjà beaucoup. Partout. Dans les marges
de ses cahiers d’école puis dans des carnets. «
Je racontais
de petites histoires. Ça m’amusait beaucoup de mettre des personnages
en mouvement.
» Biberonné à la culture BD et au rap, il connaît
son premier contact avec l’art de rue à Puteaux, avec les graffeurs
de la ville, au début des années 2000. «
Ils m’impressionnaient
beaucoup. Puis ensuite, l’adolescence est passée par là et j’ai eu
besoin de m’exprimer.
» Il commence à s’exercer sur des murs
de terrains vagues puis rejoint la Fat Skool, en compagnie
d’autres artistes comme Poes ou Tombe, avec qui il travaille
toujours. «
Nous avons tous des styles différents mais nous sommes
avant tout une bonne bande de copains. Travailler en groupe favorise
l’échange et permet aussi de prendre du recul sur ses propres projets.
»
Il qualifie son style de «
figuration narrative
», avec la représen-
tation de mondes bien à lui : «
j’attache une grande importance à
raconter une histoire dans mes dessins.
» Surtout, il se nourrit des
différents voyages qu’il a entrepris, notamment à Berlin ou au
Maroc. «
On voit des peintures, des architectures, et des réflexions
différentes. Tout ceci m’inspire. J’ai beaucoup voyagé en train qui est
le moyen de transport idéal pour dessiner. On prend son temps, cela
fait partie du voyage.
»
Des terrains vagues aux galeries
Aujourd’hui son art se décline sur tous les supports. Dans
la rue bien sur, mais aussi sur des toiles ou dans des fanzines
comme
La Koulure
dont il est l’un des fondateurs. En parallèle,
il est aussi illustrateur et collabore à des projets musicaux.
Si bien que, plus qu’un
street artist
, il se considère aujourd’hui
comme un véritable peintre. «
Pour moi, la notion de street art
Q
Grâce aux graffitis,
j’ai l’impression de
prendre possession
de la ville. Je travaille
avec des jeunes.
C’est pour eux une
manière d’entrer
dans le monde
de la peinture.
est un dénominateur commun qui n’en est pas un, c’est une notion
trop large pour être adéquate.
» D’autant que sa palette c’est
élargie, allant du graffiti sur les murs à des toiles exposées dans
des galeries. «
Ces deux approches ont des sens différents. Quand
j’expose en galerie, c’est une manière de pérenniser mon travail alors
que le graffiti est plus spontané.
»
Réactions tranchées
Le 20 septembre prochain, il sera sur l’Esplanade pour Under-
ground Effect 2, une des animations gratuites de l’événement
Urban Week Paris-La Défense
organisé par Defacto, l’établis-
sement gestionnaire du quartier d’affaires. Mis sur pieds avec
le Projet Saato - qui a pour vocation de créer des événements
autour de l’art urbain - Underground Effect 2 verra dix-huit
artistes urbains venus du monde entier peindre leurs toiles en
direct. Les œuvres resteront exposées jusqu’au 25 septembre.
Jo Ber devra ainsi peindre sur une structure mobile de 3x6
mètres en présence du public. De quoi se confronter direc-
tement à sa réaction. «
En général, elle ne se fait pas attendre, c’est
très tranché : pour certains la rue doit rester vierge et grise… Toutes les
réflexions sont intéressantes.
» Ses carnets sont remplis de projets
mais rien n’est décidé quant à l’œuvre qu’il réalisera. «
Pour des
événements comme celui-ci, il y a une dimension contextuelle. Quand
on peint pour un public, on réfléchit aussi différemment.
» Après sa
création, son œuvre sera exposée dans les parkings souterrains
du Parvis. Pas vraiment un dépaysement pour l’artiste qui voit
désormais plus loin : «
j’aimerais laisser une œuvre pérenne à
La Défense. Une façade par exemple.
»
n
Texte : Mélanie Le Beller
Photo : Olivier Ravoire
Underground Effect 2
, les 20, 21 et 22 septembre sur le parvis.
www.projetsaato.comCD92/O
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