novembre-décembre 2014 - n°38
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HDS.
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po r t r a i t
CG
92/
OLIVIER
RAVOIRE
ilhouette impeccable du
danseur, regard acéré et
voix placée de l’acteur, Farid
Bentaïeb confesse un goût
pour le théâtre généreux :
voilà un professionnel qui aime l’art et les
gens ! Cela commence par la découverte des
textes durant la scolarité, puis viennent les pre-
mières émotions de spectateur : Koltès-Ché-
reau aux Amandiers de Nanterre – «
d’ailleurs
la reprise dix ans plus tard de
Dans la Solitude
des champs de coton
avec Pascal Greggory et
Patrice Chéreau est mon plus beau souvenir de
spectacle !
» – aussi bien que la représentation
maladroite d’un
Barbier de Séville
vécue sous
un préau de collège presque comme une expé-
rience sensuelle. «
Même si ce n’était pas terrible,
il en reste quelque chose qui est du domaine de la
transmission.
»
Le mot allume une petite lumière qui éclaire
le parcours : «
Comme acteur, j’ai vite eu l’im-
pression de ne plus vraiment être en phase avec
la société. J’étais frustré de ne pas être plus en
prise avec la vie de la cité. J’ai alors eu envie
de travailler dans un théâtre, de deven ir une
courroie de transmission entre des artistes et
du public
».
Au delà de celui qui vient spontanément
dans les lieux de culture, il y a le public qui
n’irait jamais si on n ’allait pas le chercher :
«
Pour que ces personnes découvrent que les
spectacles et les lieux ne sont en rien “excluant”,
qu’ils sont accessibles au plus grand nombre
. »
La question ne manque pa s de surgir au
moment où culture et économie culturelle
tendent à se confondre : est-ce que cela fonc-
tionne ? «
La réponse est oui, dans une modeste
proportion. Mais est-ce que c’est grave pour
autant ? On ne se pose pas la question à propos
du foot, même si un pourcentage immense de
la population ne va jamais au stade parce que
ça ne l’intéresse pas. Il y a quelques années,
Pierre Ascaride, alors directeur du Théâtre 71
de Malakoff, affichait comme slogan : “On n’est
pas obligé d’aller au théâtre !” C’est la mission
de sensibilisation qui est importante.
»
Avec comme compagnons de jeu le même
Pierre Ascaride et Gérald Chatelain du
Théâtre des Sources à Fontenay-aux-Roses,
Farid Bentaïeb invente en l ’an 2000 le
festival MAR.T.O., soutenu par le conseil
général. «
La marionnette – la dénomination
comprend le théâtre d’objets et aussi des formes
très mêlées qui vont jusqu’au numérique et aux
arts plastiques – était de plus en plus utilisée par
des metteurs en scène pour é largir leur palette
artistique. En parallèle, une jeune génération
de créateurs, issus entre autres de l’École natio-
nale supérieure de la marionnette, débarqu ait
en disant : il y a autre chose ap rès Guignol !
Le festival MAR.T.O., c’est exactement cela :
avoir l’envie de parler aux adultes du monde
d’aujourd’hui sans être réducteur ni édifiant.
»
La marionnette du XXI
e
siècle se promène
depuis en toute liberté dans un univers qui
associe l’art et l’artisanat. «
Les marionnettistes
sont continuellement en va-et-vient entre l’atelier
et le plateau. On construit, on expérimente, on
retourne à l’établi faire des modifications. Tous
ces gens-là sont des fabricants dans l’âme et des
techniciens fabuleux. On ne s ’improvise pas
manipulateur, c’est un métier qu’on apprend, ce
sont des techniques de regard, de distanciation,
de dissociation du corps
».
Et quand on aime les marionnettes, pour-
quoi ne pas passer une nuit entière avec
elles ? La Nuit de la marionnette, invitation
lancée d’abord comme une boutade, ce sont
quatre cents spectateurs répartis en cinq
groupes, une déambulation nocturne entre
une dizaine de spectacles et un temps de
pause repas. «
C’est un joyeux… bazar ! Il y
a des spectacles partout, au plateau, dans les
bureaux, parfois dans le parking… Entre les
spectacles, on échange, on fait des pauses, il y
a un coin dodo tout en haut. On court un peu
quand on est en retard. Vers 3 ou 4 h du matin,
les groupes se recomposent, on fi nit à l’aube à
deux cent cinquante ou trois cents autour d’un
petit déjeuner. Épuisés mais heureux. P arce
qu’au cœur de la nuit, un spectacle ne se vit
pas de la même façon. Le rire devient explo-
sif. Et parfois, quand des formes fl ottent dans
la pénombre d’une scène, le vrai, le rêve, on ne
sait plus bien où on en est…
»
■
Didier Lamare
Nuit de la marionnette, samedi 22 novembre
au théâtre Jean-Arp.
S
CO-CRÉATEUR DU FESTIVAL MAR.T.O., LE DIRECTEUR DU THÉÂTRE
JEAN-ARP DE CLAMART NOUS INVITE LE 22 NOVEMBRE
À PASSER LA NUIT AVEC DES MARIONNETTES…
“
“
La marionnette
est un art au
royaume de la
bricole. Imaginez un
objet, immense ou
minuscule, posé là,
inerte, et puis à un
moment donné le
marionnettiste s’en
empare, alors tout à
coup quelque chose
se met à vivre…
C’est du théâtre
extraordinairement
émouvant : on a plus
encore qu’ailleurs
l’impression de voir
la chose naître, de
comprendre un petit
peu mieux le miracle
de la création.