mai-juin 2014 - n°35
|
hds.
mag
|
pho t og r aph i e
travail de mémoire se construit
par l’image. «
Les photographes
évoquent la guerre en creux par les
cicatrices des corps et du paysage,
par les traces des traumatismes
infligés à la mémoire… Progressi-
vement, le récit du désastre prend
forme. Il redéfinit les contours
de chaque individu en même
temps qu’il invente de nouveaux
repères
». Les quatre expositions
sont séquencées comme les
quatre moments de ce processus
qui s’ouvre par l’étape post-trau-
matique : quand les témoins
réussissent à parler.
À partir du 27 mai, le public
découvrira ainsi le travail
de Jonathan Torgovnik, au
Rwanda, et de Rita Leistner,
au Liban. «
Rwanda, conséquences
involontaires
», présente une
série de portraits de femmes
rwandaises violées durant le
génocide de 1994 et leur enfant
issu du viol. Tragédie, honte et
silence sont relayés par la parole
des témoignages poignants…
À l’été 2006 au Liban, Rita
Leistner photographie, elle, avec
«
Portraits-paysages de guerre
»,
une génération qui peine à sortir
de son identité de « victime de
guerre ». Ses diptyques sont des
«
anti-monuments
» où les habi-
tants apparaissent à la fois dans
les ruines de ce qui était leur
lieu de vie et dans le contexte
banal de la vie quotidienne.
La vie met la guerre à distance.
Récits fragmentaires
Avec
Retirada
que l’on découvrira
à partir du 1 er juillet, Laetitia
Tura a mené l’enquête sur l’exil
des Espagnols - qui ont fui la
guerre civile. L’archive papier
et la topographie du paysage
matérialisent, en lieu et place
d’un récit commun, la mémoire
et l’histoire de milliers d’Espa-
gnols. Parallèlement, Camilla
de Maffeï a travaillé sur le mont
Trebevic, à Sarajevo, site des Jeux
olympiques de 1984, occupé
en 1992 par les troupes serbo-
bosniaques, devenu aujourd’hui
«
une frontière entre les groupes
ethniques
». Amère, la popu-
lation de
La Montagne visible
est
abandonnée et ici l’histoire de la
guerre reste à écrire. Dans les deux
récits photographiques, «
la consi-
gnation
» du paysage lui donne
l’envergure d’un monument.
Exposé à partir du 12 août,
Vasantha Yogananthan a enre-
gistré les récits théâtralisés
élaborés
par
les
Tamouls
qui ont fui le Sri Lanka et les
Tigres du LTTE.
Îles intérieures
montre la communauté en exil
rejouant son Histoire, les attaques
militaires sur les populations
civiles, au sein de « théâtres de
guerre ». Avec
Théâtre de conflit
,
Émeric Lhuisset transpose, lui,
les codes de la peinture historique
dans la représentation iconique
de combattants incarnés par les
combattants kurdes du Komala,
en Iran.
Enfin, le dernier épisode de l’expo-
sition s’intéressera, à compter du
16 septembre, au «
discours histo-
rique naturalisé
», matérialisé par
le monument ou à défaut par le
mythe. Avec
Stèles
, Patrick Tour-
nebœuf fait l’inventaire systéma-
tique des monuments symboles
qui interrogent notre relation à
la mémoire et à l’Histoire : il les
photographieselonlesrèglesd’une
dramaturgie personnelle - unité
de temps, de distance, de cadrage,
de lumière - et leur redonne ainsi
présence, relief et sens. Avec les
installations
Caux 2004
et
Jubilee
2002
, Bertrand Carrière a créé
pour sa part dans la région de
Dieppe un monument temporaire
à la mémoire d’un contingent
de jeunes Canadiens sacrifié lors
du Débarquement des alliés en
Normandie. En palliant ainsi l’am-
nésie officielle, le photographe
questionne la grande Histoire :
« que décide-t-on ou non de
monumentaliser ? ».
n
Alix Saint-Martin
Les âmes grises : récits photographiques
d’après-guerre, d
umardiaudimanche,11h-
19 h.Tarifs : 4
€
et 2,50
€
.
.
©
rita
leistner
©
camilla
de maffeï
Maison détruite.
Mont Trebevic, Sarajevo - Bosnie Herzegovine