

mars-avril 2015 - n°40
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HDS
mag
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CG92/O
livier
r
avOire
R
ecueillir le fonds
complet
des
dessins
et
esquisses d’un
peintre
reste
exceptionnel. Le musée du Louvre
possède celui de Charles Le
Brun, premier peintre du roi
Louis XIV. La Cité de la
Céramique à Sèvres possède
celui
d’Alexandre-François
Desportes, peintre animalier
du Roi-Soleil. En 1785, Nicolas
Desportes propose à l’adminis-
tration royale d’acheter le fonds
d’atelier de son oncle (650
œuvres) qui sera mis en dépôt à
Sèvres pour servir de décors
utiles (animaliers et floraux).
l ’ex po
Deux siècles plus tard, c’est
Georges de Lastic, conservateur,
qui par ses études ressuscite
Desportes.
Depuis
certains
tableaux ont été mis en dépôt aux
Musées de la Chasse à Giens,
de la Vénerie à Senlis,
de la Chasse et de la Nature à
Paris... La particularité du fonds
de Sèvres tient aux somptueuses
esquisses peintes et aux dessins
préparatoires - les œuvres
achevées sont minoritaires.
Depuis la fin du XX
e
siècle,
le goût est à l’idée, à l’inachevé, et
ces œuvres redeviennent très
intéressantes alors qu’au XVIII
e
siècle on n’aurait pas exposé
une étude préparatoire. Il fallait
cacher « la patte » du maître, tout
comme en littérature on ne
montrait pas les manuscrits.
L’œil du maître
Le partenariat Sèvres - Domaine
départemental
de
Sceaux
a permis le prêt de soixante-dix
feuilles d’une exceptionnelle
qualité esthétique : des dessins
secs aux trois crayons (pierre
noire, sanguine et craie blanche)
et des esquisses à l’huile sur
papier. «
Le parcours est articulé
autour de trois genres picturaux
,
explique Dominique Brême,
directeur du Musée départe-
mental et commissaire de l’expo-
sition,
le paysage, les animaux,
l’art de vivre. Une petite dizaine
de dessins de paysages sont d’une
familiarité agréable à nos yeux
car Desportes les a réalisés en
Île-de-France. L’engagement esthé-
tique du peintre est total autour
de l’art de vivre : ainsi certaines
de ses esquisses offrent la vision
de splendides pièces d’orfèvrerie
associées à des buffets dressés…
Et au cœur de l’exposition, l’art
animalier qui a fait la réputation
de Desportes
». Sont ainsi réunis
les animaux domestiques (chiens
d’arrêt...), le gibier européen
commun (sanglier, loup, perdrix,
faisans...), les grands oiseaux
(toucans, cacatoès, demoiselles
de Numidie…) et les animaux
exotiques
(lion,
éléphant,
crocodile, tigre…). Installés dans
la Ménagerie royale de Versailles,
ces derniers sont une curiosité
et fournissent des sujets d’étude
vivants pour les peintres. Cette
Ménagerie, le jeune Louis
XIV la fait édifier en 1662, par
l’architecte Louis Le Vau qui
conçoit un singulier bâtiment
octogonal d’où rayonnent sept
cours
emplies
d’animaux.
À l’intérieur, les décors sont
confiés aux meilleurs peintres,
principalement les animaliers.
Desportes y travaillera dans
le sillage de Boel, Bernaerts et
Audran. La Ménagerie royale
est le fruit d’une tradition en
vigueur depuis l’Antiquité, celle
des
cadeaux
diplomatiques
animaliers et c’est ainsi qu’en
1770 débarque à Versailles « le
rhinocéros de Louis XV », offert
par le gouverneur de Chander-
nagor. Mais la célèbre Ménagerie
ne survivra pas à l’Ancien
Régime.
Hiérarchie des genres
«
La pièce de réception d’un artiste
à l’Académie royale de peinture
et de sculpture déterminait son
classement et les genres détermi-
naient les ambitions du peintre
»,
souligne Dominique Brême.
La hiérarchie des genres en
peinture, énoncée par Félibien
en 1667, mettait au premier
rang les scènes d’Histoire,
puis le portrait, le paysage, les
scènes de genre, et en dernier
les natures mortes - fleurs, fruits,
animaux
morts.
Desportes,
lui, va travailler en transver-
salité. «
Jusqu’à ce que Louis XIV
installe la Cour à Versailles,
note Dominique Brême
, on a
peint le portrait séparément de la
nature morte. Desportes devait
Lion couché, vers 192-100.
Huile sur papier.