

mars-avril 2015 - n°40
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HDS
mag
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en t r e t i en
centimètres de haut et plus de
trente centimètres de distance, si
un homme adulte avait les mêmes
capacités il pourrait exécuter un
saut de cent mètres de hauteur et
de plus de trois cents mètres de
distance. Ce n’est qu’une illusion
qui ne prend pas en compte les
conséquences physiques d’un
changement de taille, les effets
d’échelle. Disons pour simplifier
que si la taille d’une puce était
multipliée par mille, sa force – qui
dépend avant tout de la section de
ses pattes - serait multipliée par
un million parce que cela dépend
de la surface mais son poids serait
HDS
Mais ce parallèle a
souvent été remis en cause…
JMD
L’étude du comportement
social des animaux en général
et pas seulement des insectes,
connue sous le nom de socio-
biologie, a suscité débats et
controverses en effet. Ils ne sont
toujours pas réglés. Beaucoup
d’auteurs n’acceptent pas que l’on
puisse désigner par société un
simple groupement apparemment
organisé d’animaux de la même
espèce. Ils contestent ce parallèle,
arguant que les sociétés animales
sont stables, ce qui contraste avec
les changements qui affectent les
sociétés humaines. Tout comme
aux yeux de Marx, l’activité
humaine ne peut être comparée
au travail de tisserand d’une
araignée ou d’architecte d’une
abeille, parce qu’elle garde une
supériorité, celle d’être pensée
avant d’être réalisée.
HDS
L’autre distinction que
l’on fait souvent chez les
insectes, ce sont les nuisibles
par opposition aux utiles.
Est-ce aussi simple ?
JMD
La division entre ces deux
catégories n’a jamais été évidente.
La découverte de la pollini-
sation a, par exemple, ébranlé
la frontière entre les deux. Les
insectes forment une composante
essentielle de la biodiversité et
participent de manière décisive
au fonctionnement des écosys-
tèmes. Le nombre d’espèces qui
rendent un service écologique est
donc colossal. Mais le nombre
d’espèces qui existe est encore plus
colossal. Il faut donc se méfier de
cette notion de service écologique
rendu. Cela ne peut être le seul
critère. D’autant que les choses
ne sont pas figées, on ne sait pas
à l’avance quelles espèces seront
utiles. On ne peut pas non plus
baser notre attitude éthique sur
une empathie ou une compassion
naturelle comme on le fait avec
d’autres animaux car la distance
est trop grande entre leur compor-
tement et le nôtre. D’où la notion
importante selon moi de patri-
moine commun. Les insectes font
partie de notre patrimoine naturel
mais aussi culturel. Il ne s’agit
pas d’accorder autant d’impor-
tance à la vie d’un moustique
qu’à celle d’un humain, mais il
s’agit de rechercher les condi-
tions optimales d’une coexistence,
en même temps que prendre la
mesure des différents rôles que
les insectes ont joué dans l’histoire
humaine que ce soit en médecine,
en génétique, en littérature, en
philosophie…
n
Propos recueillis
par Émilie Vast
Photos : Jean-Luc Dolmaire
aux insectes « sociaux ».
Pourquoi nous fascinent-ils ?
JMD
Pour commencer tous les
insectes ne sont pas sociaux.
Ce r t a i n s s o n t s o l i t a i r e s ,
d ’ a u t r e s v i v e n t e n p e t i t s
groupes familiaux. Même chez
les abeilles que l’on prend
souvent en exemple lorsque
l’on parle d’insectes sociaux,
certaines espèces sont solitaires.
Maintenant, pourquoi parler
d’insectes sociaux pour les
termites, les abeilles ou les
fourmis ? Chez ces insectes, il
y a beaucoup de choses qui font
penser au phénomène social :
Les prix La Science se Livre
Deux ouvrages de diffusion de la culture scientifique
ont été récompensés dans le cadre de la manifestation
organisée par le Département. Il s’agit de
Philosophie
de l’insecte
de Jean-Marc Drouin aux éditions du Seuil dans
la catégorie « Adultes » et, dans la catégorie « Adoles-
cents »,
Zooptique
de Guillaume Duprat aux éditions du
Seuil jeunesse qui propose de regarder le même paysage
à travers les yeux de vingt animaux différents.
n
la division du travail avec une
organisation par métiers, des
castes, des inégalités, une intelli-
gence collective, voire un langage.
Même si la danse des abeilles ne
possède pas toutes les caracté-
ristiques d’un langage, il n’en
demeure pas moins que c’est un
moyen de communication carac-
téristique d’une espèce d’insectes
vivant en société.
multiplié par un milliard parce que
cela dépend du volume. Ce sont des
questions que les aéromodélistes
connaissent bien… Autrement dit,
si elle était plus grande, la puce
serait certes plus forte, mais elle
serait surtout bien plus lourde...
HDS
Une grande partie de
votre livre est consacrée