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n°43 - septembre-octobre 2015
valeur le rôle de soutien de sa
famille au mouvement impres-
sionniste et au développement de
l’art français pendant un siècle.
Art et alliances
Les deux peintres, Henri Rouart
et Henry Lerolle, amis de Degas,
sont en effet ses arrière-grands-
pères. Degas a été la clé de
l’union des deux familles, favo-
risant le mariage entre deux fils
Rouart (Eugène et Louis) et deux
filles Lerolle (Yvonne et Chris-
tine, immortalisées au piano par
Renoir en 1897). Et c’est encore
Degas qui présente Julie Manet
à Ernest Rouart. Julie n’est autre
que la fille de Berthe Morisot
et d’Eugène Manet, frère cadet
d’Édouard. Une évidence, elle
peint ! Orpheline, ses tuteurs
ont été Mallarmé et Renoir.
Sa cousine se marie au poète
Paul Valéry, le meilleur ami
d’Ernest Rouart. «
Les Rouart et
les Lerolle sont des familles clés pour
l’histoire de l’art de la fin du XIX
e
,
début XX
e
… Debussy donnera
La
Mort de Pelléas
dans le salon des
Lerolle avant de le créer à l’Opéra-
Comique... Ernest Chausson, grand
ami des Rouart, est aussi le beau-
frère du père Lerolle
», explique
Dominique Bona dans une
monographie parue l’an dernier.
Le fondateur
Henri Rouart est à la fois peintre
et polytechnicien, élève de Corot
et ingénieur, inventeur du pneu-
matique… Son regard dans
l’ Autoportrait
(1880), suffit à nous
renseigner sur sa forte person-
nalité. Edgar Degas est son ami
intime. Ils se sont connus au
lycée Louis-le-Grand, retrouvés
sur un champ de bataille en
1870. Henri aura six enfants,
c’est un grand intellectuel dont
la maison est un havre d’artistes.
Degas, lui, est farouchement céli-
bataire. Il est l’ami inséparable
qui met la peinture en partage.
«
Peintre des arbres
», Henri
pratique le plein air, prôné par
Corot, alors que Degas privilégie
le travail en atelier. Les Rouart
sont « la vraie famille » de Degas
qui considère les enfants comme
les siens. À cinquante ans, Henri
lâche l’industrie, rejoint Degas
derrière le chevalet pour peindre
sans relâche. Grand admirateur
de Corot, Millet, Manet, Henri
est néanmoins impressionniste.
Refusant la notoriété, il n’expose
qu’aux côtés de ses amis impres-
sionnistes dont il est le mécène,
finançant dès 1874 le Salon des
Refusés. Passionnément, Henri
achète des œuvres, forme une
collection inouïe qu’il ouvre tous
les vendredis au public. Signac
écrit en 1898 : «
Il n’y a plus une
place vide. C’est une profusion de
merveilles… J’en ai tant vu que j’en
sors ahuri
». Parmi quelque 900
œuvres, on trouve des dizaines de
Millet, Corot, Daumier, Courbet,
Théodore Rousseau, Breughel,
Vélasquez, Greco, Goya… et les
amis, Degas, Renoir, Gauguin,
Cézanne, Manet… sans compter
la bande des impressionnistes
dont tout le monde se moque
L’homme au chien, portrait d’Eugène
Rouart
, Ernest Rouart (1904)
Cinq portraits d’enfants dormant
,
Augustin Rouart (1948)
© C
hristian
B
araja
© C
hristian
B
araja