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novembre-décembre 2015 - n°44

|

HDS

mag

|



po r t r a i t

CD92/O

livier

R

avoire

ur les murs du hall de

la Maison de la Musique,

d e s p h o t o s d e B r u n o

Boudjelal alternent avec

c e l l e s c o l l e c t é e s c h e z

les habitants du quartier des Provinces-

françaises. Un écho de l’exposition

Paysages du départ

: plus de quatre-vingts

clichés choisis dans leurs baluchons des

souvenirs par des Nanterriens présentés en

grand format sur les murs d’immeuble –

une manière littérale d’avoir pignon

sur rue…

Commencer la saison d’une «

scène conven-

tionnée pour la musique

» par une exposition

de photos en plein air n’est pas banal !

C’est ainsi que Dominique Laulanné

envisage son rôle et sa programmation : «

un

travail de composition, qui repose beaucoup

sur l’intuition…

» Où l’on peut trouver du

pêle-mêle et du métissage. Se succèdent

l’Américaine Sheila E., le Nigérian Seun

Kuti et les créations musicales hors normes

de Thierry Balasse autour de Pierre Henry

ou de Pink Floyd.

Les Nouveaux Mondes

des spectacles numériques d’Adrien Mondot

et Claire Bardainne, ceux de l’électro

d’Étienne Jaumet et Félicie d’Estienne

d’Orves répondent à la tradition lyrique

réinventée, comme la création cet hiver

de l’opéra de Janacek

La Petite Renarde rusée

,

dans une mise en scène «

cinématographique

et lumineuse

» de Louise Moaty. Les auditeurs

de

Music for 18 Musicians

du compositeur

répétitif américain Steve Reich participeront

grâce au chorégraphe Sylvain Groud à une

«

mise en mouvement de leurs émotions

».

Et puis il y a la musique contemporaine

jouée par TM+, l’ensemble en résidence, «

qui fait peur surtout quand on ne la connaît

pas…

» Prenons l’exemple de

Counter Phrases

,

une re-création associant des films sur la

danse, des compositions contemporaines

occidentales et de la musique africaine

jouée par le trio de Ballaké Sissoko. «

C’est

un projet complètement atypique qui répond

bien à mon envie de vouloir brasser les genres

et les publics, de rassembler des personnes diffé-

rentes dans une curiosité commune autour

d’une dimension scénique.

»

À l’entendre ainsi parler d’une vie cultu-

relle ouverte sur le monde – dans tous

les sens du terme –, la curiosité nous vient

des origines de ce militantisme artistique

qu’il exprime d’ailleurs toujours de façon

affable et apaisée. « 

Ce qui m’a fait bouger,

c’est l’Amérique latine. J’ai vécu trois ans

à Saint-Domingue à la fin des années quatre-

vingt. J’ai passé trois mois dans un bidon-

ville : les efforts inimaginables des habitants

pour rester solidaires les uns des autres et

conserver leur dignité alors qu’il n’y a pas

d’électricité, pas d’eau courante, un immense

dépotoir en haut de la rue et des rats partout

le soir qui débarquent… Ce quotidien-là m’a

énormément touché. Je n’ai pas eu le sentiment

ensuite de revenir en France, mais de continuer

mon voyage quelque part… Il s’est trouvé que

c’était dans la culture et en France.

»

Le parcours physique de Dominique

Laulanné a fini par se sédentariser :

rencontres, institutions, le théâtre

contemporain à Strasbourg, l’Arcadi

en Île-de-France, puis plusieurs années

à la compagnie Philippe Decouflé avant

de prendre la direction de la Maison

de la Musique. « 

La culture, ce ne sont

pas les loisirs : il y a le monde comme il est

aujourd’hui et la culture est là pour ouvrir les

yeux sur ce monde. On essaie ici de donner du

plaisir mais on a aussi une conscience, sans

pour autant se morfondre dans le lugubre :

on peut dénoncer, on peut s’amuser, on peut

bousculer les habitudes et la vision des gens. Je

ne me reconnais pas vraiment dans le terme

entertainment…

même s’il y en a évidemment

une part dans ce qu’on propose.

»

Avec le nomadisme culturel, en revanche,

il n’en a pas terminé. «

J’ai un bonheur

d’Asie : ma femme est japonaise, je l’ai

rencontrée sur un projet Decouflé tandis qu’à

la même époque je découvrais des racines

vietnamiennes demeurées très mystérieuses

– ma mère avait quitté le Vietnam en 1950

et nous avons grandi dans l’ignorance de

cette famille que je n’ai rencontrée que très

récemment. Alors voyager, en Amérique latine

ou en Asie, c’est regarder le monde de plus loin,

c’est prendre de la hauteur

».

n

Didier Lamare

S

DIRECTEUR DE LA MAISON DE LA MUSIQUE DE NANTERRE,

IL SE VEUT AVANT TOUT UN MILITANT DE LA CULTURE.

AVEC UN MOT D’ORDRE : S’OUVRIR AU MONDE.

J’aime l’idée

d’inviter les gens

à venir faire de ce

théâtre leur propre

théâtre, participer

avec nous à des

moments de fête,

exprimer ensemble

ce qu’ils ressentent.

Les approches de

tous les spectacles

sont extrêmement

abordables,

ludiques, familiales

et je fais exprès

de les choisir ainsi.

Parce qu’au delà

des artistes et des

responsables de la

culture, nous avons

besoin du public.

Sans lui, on ne peut

rien défendre.