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septembre-octobre 2016 - n°49

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HDS

mag

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

en t r e t i en

Le jeu vidéo permet

de redevenir acteur

d’une image, d’affronter

des situations face

auxquelles on est

d’habitude très passif.

plus loin en disant que les jeux vidéo ont même un effet cathartique :

au lieu de sortir faire des bêtises, les jeunes jouent avec leur violence

interne, avec leurs pulsions agressives et, du coup, les abaissent.

HDS

Pour vous, des programmes télévisés comme le fameux

journal de 20 heures sont autrement plus violents et anxio-

gènes que les jeux vidéo…

MS

Des études ont effectivement montré qu’il y a une forme de violence

très forte dans le journal télévisé car l’image n’est pas toujours contex-

tualisée ou bien expliquée. C’est une autre forme de violence : il n’y a

pas toujours la narration suffisante autour de ces images-là.

HDS

Que penser des « serious games », ces jeux à la fois

ludiques et sérieux ?

MS

Il y a d’abord eu la mode des jeux ludopédagogiques qui reprenaient

la pédagogie classique. Ils n’ont pas eu le succès escompté car ils étaient

surtout destinés à des parents inquiets. Puis il y a eu les

serious games

,

une nouvelle manière d’envisager les choses, même s’ils ont rarement

trouvé leur spécificité. Leur difficulté est de trouver la meilleure intri-

cation possible entre le jeu et le prétexte sérieux. Son avenir passe par

la narration interactive ou la « gamification », c’est-à-dire le fait qu’il y

ait de plus en plus de ponts entre le réel et le virtuel, de savoir comment

le virtuel enrichit le réel et vice-versa.

HDS

Pourquoi, selon vous, les jeux vidéo peuvent-ils être

un moyen d’aider les jeunes souffrant de traumatismes ?

MS

Parce qu’il y a quelque chose de très sain dans les jeux vidéo.

Le traumatisme, c’est être passif face à une situation. Le jeu vidéo

permet de redevenir acteur d’une image, d’affronter des situations face

à lesquelles on est d’habitude très passif. Je travaille dans le 11

e

arron-

dissement de Paris, à côté de l’endroit où se sont produits les attentats.

Je me souviens d’un de mes patients qui a vécu ces événements et qui

en a été traumatisé. Il m’a dit qu’il a commencé à se sentir mieux le jour

où il a pu publier sur Facebook un post où il raconte son ressenti, ce

qui était un premier pas, et quand il a pu jouer à

Call of Duty

. Cela lui a

permis d’une certaine manière de rejouer le traumatisme dans lequel

il était plongé. D’ailleurs, des jeux de guerre sont utilisés en Israël et aux

États-Unis pour les personnes qui ont vécu les traumatismes de conflits

armés… Le jeu est un espace de récréation mais aussi de re-création

de ses tensions et de ses frustrations.

n

Propos recueillis par Mélanie Le Beller

Photos : Jean-Luc Dolmaire