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HDS
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n°52 - mars-avril 2017
Dans leur ouvrage
Les bactéries, des amies qui vous
veulent du bien
, Prix La science se livre 2017, Gabriel
Perlemuter et Anne-Marie Cassard
nous expliquent
comment nos bactéries intestinales pourraient
révolutionner la santé et la médecine de demain.
HDS
Votre livre est sous-titré «
le bonheur est dans l’intestin
».
Cela fait penser au livre
Le charme discret de l’intestin
qui a eu un grand succès. Comment expliquer cet intérêt ?
GP
L’intestin a toujours intéressé. Quand on dit à quelqu’un « Bonjour !
Comment ça va ? », c’est un héritage de l’époque où l’on demandait
« Comment allez-vous à la selle ? ». Aujourd’hui, en revanche, l’intestin
est considéré comme un sujet tabou, un sujet sale. Malgré cela, il y a
en ce moment, dans ce domaine, de grandes nouveautés scientifiques
et médicales avec des avancées concernant le diagnostic et la prise en
charge de certaines pathologies. C’est cela qui intéresse le grand public.
HDS
Le sujet principal de votre ouvrage est le « microbiote
intestinal ». De quoi s’agit-il ?
GP
Le microbiote intestinal est l’ensemble des bactéries qui vivent dans
notre tube digestif. Une quantité extrêmement importante de bactéries :
cent mille milliards, un nombre dix fois supérieur au nombre de cellules
qui nous composent. Chez une personne de soixante-dix kilos, le poids
de ces bactéries intestinales représente 1,5 kilo. Les bactéries vivent
en nous et nous vivons avec elles dans un équilibre qu’on appelle
« symbiose » et qui nous permet d’être en bonne santé.
HDS
Quel est le rôle de ces bactéries dans notre organisme ?
GP
Nos bactéries vont tout d’abord nous aider à digérer les aliments
que nous mangeons, sucres, graisses et surtout fibres. Les bactéries
intestinales vont aussi digérer - on dit « métaboliser » - certains produits
toxiques que nous pourrions avaler. Elles participent à la production
de certaines vitamines que nous sommes incapables de fabriquer
nous-mêmes. Et elles ont un rôle-clé dans le développement
de notre immunité. Pour assurer toutes ces fonctions, elles doivent
donc être nombreuses et diversifiées.
HDS
Comment le microbiote s’acquiert-il ?
AMC
Dans l’utérus de notre mère, nous évoluons dans un environ-
nement stérile. Notre premier contact avec des bactéries a lieu
au moment de l’accouchement. La mise en place d’un microbiote intes-
tinal « mature » va ensuite se faire durant la petite enfance. Après deux
ou trois ans, on estime que notre microbiote est plus ou moins définitif.
Même si des études récentes estiment qu’il faudrait aller jusqu’à six,
sept ans. C’est pour cela qu’on dit qu’il faut, autant que faire se peut,
éviter les antibiotiques durant le troisième trimestre de la grossesse
et durant la petite enfance. Les traitements par antibiotiques ont été
l’un des plus grands progrès de la médecine. Mais un mauvais usage
peut avoir des conséquences car on tue les bactéries malveillantes mais
également toutes les « gentilles » bactéries qui sont dans notre tube
digestif. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter un enfant qui
en aurait besoin. Mais il ne faut prescrire les antibiotiques que lorsqu’ils
sont indispensables, choisir les plus précis, c’est-à-dire qui vont spécifi-
quement cibler la bactérie responsable de l’infection que l’on suspecte,
et veiller à ce que la durée du traitement soit la plus courte possible.
HDS
Quelles sont les autres « menaces » qui pèsent
sur notre microbiote ?
AMC
Nos bactéries digestives n’ont pas évolué aussi vite que notre
alimentation. Dans nos pays industrialisés, la nourriture est surabon-
dante, nos apports en fibres sont beaucoup moins importants et nous
ingérons de grandes quantités de sucres et de graisses. Cela va parti-
2
maga z i ne
Nous sommes
à l’aube d’une révolution