mars-avril 2017 - n°52
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HDS
mag
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en t r e t i en
ciper à l'apparition de dysbioses - c’est l’inverse de la symbiose -, c’est-
à-dire de déséquilibres.
GP
L’excès de produits industrialisés dans notre quotidien
et les additifs alimentaires – émulsifiants, épaississants, édulco-
rants - qu’ils contiennent sont aussi des facteurs perturbateurs
pour nos bactéries intestinales.
HDS
Pourquoi dit-on souvent que l’intestin est notre
« deuxième cerveau » ?
GP
Notre cerveau et nos neurones utilisent des molécules chimiques,
spécialistes de la transmission nerveuse, pour communiquer.
Ces substances sont surtout la noradrénaline, l’acétylcholine et
la sérotonine. Notre intestin, comme le cerveau, est lui aussi capable
de fabriquer ces substances. Il fabrique d’ailleurs 90 % de notre stock
de sérotonine. De plus, l’intestin et le cerveau sont en étroite relation
par le système nerveux et le sang. Il s’agit d’une relation qui se fait à
double sens : non seulement le cerveau influence le fonctionnement
du tube digestif mais les messages envoyés par le tube digestif peuvent
aussi modifier les fonctions du cerveau. On s’est ainsi rendu compte
qu’une dysbiose était associée à certaines maladies qu’on pensait
purement psychologiques ou psychiatriques.
HDS
Quelles sont justement les maladies qui sont en rapport
avec notre microbiote intestinal ?
AMC
Si vous avez une dysbiose, vous serez plus sensible à la prise
de poids et à ses complications, comme le diabète et les maladies cardio-
vasculaires. Même les dépendances vis-à-vis de l’alcool ou de toute
autre drogue, ainsi que des maladies aussi sévères que l’autisme ou
la schizophrénie sont aussi influencées par nos bactéries digestives.
Une dysbiose peut également expliquer l’augmentation de la fréquence
de certaines allergies ou maladies auto-immunes comme les colites
inflammatoires ou le diabète de type 1.
GP
Nous nous trouvons à l’aube d’une véritable révolution. Un nouvel
organe, le microbiote intestinal, a été identifié. Comprendre le dévelop-
pement et le fonctionnement de cet organe, c’est comprendre
pourquoi de nouvelles maladies se font jour et surtout comment
les prévenir ou limiter leurs effets. Car notre microbiote est modifiable,
c’est son originalité par rapport aux autres organes.
HDS
La greffe de microbiote est un nouveau traitement
par exemple…
GP
Concrètement, il s’agit d’une greffe de selle ou une transplantation
fécale qui consiste à mettre à une personne qui a un mauvais micro-
Le Prix La Science se livre, organisé par le conseil dépar-
temental, récompense chaque année deux ouvrages
scientifiques destinés au grand public. Dix livres étaient
en compétition pour cette 16
e
édition.
Les bactéries,
des amies qui vous veulent du bien
de Gabriel Perlemuter et
Anne-Marie Cassard a remporté le prix dans la catégorie
« Adultes ». Dans la catégorie « Adolescents », a été
récompensé
Sous terre, sous l'eau
par Aleksandra Mizie-
linska et Daniel Mizielinski.
n
www.lssl.hauts-de-seine.fr
biote le microbiote d’une personne saine. Pour les infections observées
chez les patients qui ont subi des antibiothérapies, les essais cliniques
ont prouvé le bénéfice de ce traitement. Il permet de résoudre la patho-
logie dans 90, 95 % des cas. D’autres essais cliniques sont en cours
pour les colites inflammatoires graves : maladie de Crohn et rectolite
hémorragique. Ce type de traitement a un potentiel immense mais
n’en est qu’à ses débuts. Lorsque la transplantation sera maîtrisée,
on pourra la développer dans l’obésité, les troubles fonctionnels
intestinaux, certaines maladies psychiatriques ou des maladies
immunitaires. On espère aussi qu’à l’avenir, grâce à l’identification et
au marquage des bactéries, on évitera de transférer tout un microbiote
pour se concentrer sur les bactéries nécessaires.
n
Propos recueillis par Émilie Vast
Photos : Willy Labre
Comprendre le microbiote
intestinal, c’est comprendre
pourquoi de nouvelles
maladies se font jour
et comment les prévenir
ou limiter leurs effets