mars-avril 2017 - n°52
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HDS
mag
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po r t r a i t
n g r and na v i r e qu i v a
lever l’ancre.
» C’est ainsi
que Jean-Luc Choplin parle de l’inauguration de La Seine
Musicale le 22 avril prochain. C’est d’ailleurs non loin de là,
déjà dans les Hauts-de-Seine, qu’il a connu ses «
premières
émotions musicales
». «
Parce que j’ai grandi à Châtenay-Malabry
»,
explique-t-il. Au conservatoire municipal, il apprend le solfège
et la flûte traversière. Plus tard, à Sceaux, au lycée Lakanal,
il découvre la flûte à bec. «
Le professeur de musique me mettait
toujours 21/20. Comparé à mes camarades, j’étais un peu plus doué
pour la musique
», se souvient-il.
Oreille absolue
Une explication : Jean-Luc Choplin a l’oreille absolue. «
Si tant
est que ça existe
, répond-il quand on lui demande de confirmer
Mais disons que lorsque j’entends une musique symphonique,
je n’entends pas des bruits, j’entends le nom des notes. Je perçois
la totalité des accords et des harmonies. Je pense que lorsque l’on exerce
un métier, c’est bien d’en avoir la compétence technique.
» Pourtant,
malgré ces prédispositions et son envie, ce métier, il ne va
pas l’exercer immédiatement. Après l’École normale supérieure
demusique, Jean-Luc Choplin étudie les sciences économiques à
la faculté d’Assas pour «
faire plaisir à [s]es parents
». «
La musique
était encore considérée comme quelque chose qui ne nourrirait jamais
son homme. Mes parents voulaient que j’aie un métier sérieux.
Même si mon cœur allait à la musique.
» Le sérieux, ce sera
un poste au ministère de l’Intérieur, à la « RCB » exactement,
la rationalisation des choix budgétaires. Jusqu’en 1976.
Rêver et faire
Après un stage aux Fêtes musicales de la Sainte-Baume,
près de Marseille, le jeune Choplin en prend la direction.
«
J’ai réalisé que c’était ce que je voulais faire. Être un producteur
au sens anglo-saxon du terme. Être en même temps un
"dreamer"
et un
"doer",
quelqu’un qui rêve et qui fait.
» Ses rencontres avec
des artistes tels que le compositeur, poète et plasticien John
Cage ou le chorégraphe, metteur en scène et plasticien Robert
Wilson sont aussi déterminantes. «
Dans la vie, ce sont les échanges
avec les autres, les rencontres qui vous font
, résume-t-il.
J’ai été
complétement ébloui par les artistes, j’en suis un peu tombé amoureux.
J’ai donc décidé que ma vie serait à leur service, que je pourrais
être pour eux un "facilitateur", les pousser à aller plus loin, à faire
des choses extraordinaires.
» À la fin de cette aventure, au début
des années quatre-vingt, Jean-Luc Choplin est nommé conjoin-
tement directeur du Ballet de Marseille, alors dirigé par Roland
Petit, et des affaires culturelles du conseil régional Provence-
Alpes-Côte d’Azur. En 1984, il devient administrateur général
de la danse à l’Opéra national de Paris alors sous la direction
artistique de Rudolf Noureev. Puis, en 1989, il va passer
«
des petits rats à la souris
», comme il s’amuse à le dire. Il entre
chez Disney, d’abord en France pour participer au lancement
du parc Disneyland Paris puis à Los Angeles directement auprès
du patron de l’époque Michael Eisner. Jean-Luc Choplin revient
en Europe en 2000, collabore avec les Galeries Lafayette, avant
de prendre la tête du théâtre Sadler’s Wells de Londres puis
de celui du Châtelet à Paris. «
Mon parcours a été rhizomatique,
il associe des choses qui pourraient sembler contradictoires. Mais il y a
une ligne directrice que l’on découvre souvent après coup : j’ai toujours
essayé de faire se rencontrer des artistes qui a priori n’étaient pas
faites pour travailler ensemble.
» Il faut dire que Jean-Luc Choplin
déteste «
les hiérarchies, les cases, les barrières
», tout ce qui «
réduit
la vie, qui est riche, multiple, à quelque chose de beaucoup trop
simple
». À l’inverse, il aime «
être curieux, ne pas être là où l’on vous
attend, toujours surprendre
».
Pari fou
À La Seine Musicale, il souhaite donc «
permettre à toutes
les musiques de sonner ensemble. De Haendel à Hendrix : de la
musique classique, de la musique pop, électro, du jazz, du rock…
»
Mais pas que. «
Mon ambition c’est aussi de faire de ce lieu une
destination, un endroit où l’on va parce que l’on est certain que l’on
va y trouver quelque chose, des concerts, des spectacles, mais aussi
des expositions, des installations de plasticiens, des installations
sonores…
» À quelques semaines de l’ouverture au public, il se dit
à la fois «
excité et anxieux. Excité d’être devant une page blanche,
un équipement ambitieux, un projet original et anxieux d’avoir
la responsabilité de donner une âme à ce lieu et de se dire :
"Va-t-on
réussir ce pari fou ?"
n
Émilie Vast
Je voulais être
en même temps
un
dreamer
et un
doer
.
Quelqu’un qui
rêve et qui fait.
© D
enis
L
acharme
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