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n°52 - mars-avril 2017
c u l t u r e
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l’époque classique, ça parle, ensuite,
ça peint…
»
Mais qui fait quoi ?
Au concert, nous ne voyons
de l’orchestre que le chef,
d e d o s , d a n s un e e s p è c e
de danse qui nous demeure
pour l’essentiel inintelligible,
et la marée des musiciens,
concentrés, les gestes précis, les
yeux en permanence à l’affût.
Que se passe-t-il entre eux ? Et
qu’entendent-ils ? Pas la même
chose que nous puisqu’ils sont
immergés dans la sonorité
de leurs voisins : «
L’idéal est
d’entendre son propre son dans
le son du groupe, et de le contrôler
e n p e rma n e n c e . P l u s n o u s
travaillons ensemble, et plus
c’est aisé.
» La fusion devient
complicité, des amitiés se
créent, traversent les pupitres.
«
La structure des cordes de
l’orchestre ressemble à celle d’un
quatuor : schématiquement,
les premiers violons chantent,
les basses sont la fondation, les
altos et les seconds violons sont…
la farce !
» La boutade provoque
les rires – il y en aura eu
beaucoup durant cette rencontre
– aussitôt remodelée par la
version, plus respectueuse, du
compositeur George Enesco :
«
Le premier violon est l’éti-
quette, le violoncelle la bouteille,
second et alto le vin…
» À chacun
des groupes d’instruments
correspond un chef de pupitre
dont le rôle est de « tenir la
baraque » et de dialoguer avec
ses confrères pour assurer la
cohésion de l’ensemble. «
Nous
sommes les référents du chef,
le violon solo étant le référent
suprême. En concert, la commu-
nication peut devenir très visuelle,
un regard, une mimique. Il faut
avoir un œil sur le chef, un œil
sur le violon solo, et puis un
troisième sur la partition…
»
S ’ i l f a l l a i t i n s i s t e r s u r
une qualité, ce serait la concen-
tration nécessaire à un métier
Laurence Equilbey en
répétition au milieu
de ses musiciens.
Avoir « notre maison »
nous donne l’envie
de prendre des
risques, notamment
auprès des jeunes
et des nouveaux publics.
Laurence Equilbey
en représentation permanente,
entre eux, devant le chef, avant
même de l’être devant le public.
«
C’est quelque chose qu’on ne
trouve dans presque aucun autre
travail : un grand groupe de
personnes concentrées au même
moment, sur la même chose,
effectuant les mêmes gestes. C’est
un peu comme une chorégraphie
dans un
open space ».
Eux, le chef et nous
Au quotidien, un peu comme
le sportif exerce son corps,
l e mu s i c i e n t r a v a i l l e s on
instrument. À la première
répétition, il est au point techni-
quemen t , a v an t d ’ a bo r de r
la question de l’interprétation.
«
Notre devoir est d’être malléables,
de savoir nous adapter aux
demandes du chef, à tous les stades,
jusqu’à la dernière représentation.
Nous sommes de la pâte qui n’est
jamais complètement cuite…
En concert, un geste, un élan ont
le pouvoir de tout faire basculer,
de nous faire partir ailleurs, comme
un soliste. Laurence Equilbey
joue de son orchestre comme de
son instrument, nous sommes ses
outils spécialisés.
» Le rôle du chef
ne serait donc pas une légende
entretenue par la corporation
pour maintenir ses privilèges… «
La prise de risque dans un concert
est essentielle. Rien n’est figé,
l’orchestre n’est pas une bande
enregistrée. Beaucoup de choses
sont réglées en répétition, et puis
il y a le reste, qui passe parfois
par une sorte d’aura. C’est d’ailleurs
l’un des rôles du violon solo, de caler
les choses tandis que le chef travaille
CD92/O
livier
R
avoire