HDS.mag 32 - page 44

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n°32 - novembre-décembre 2013
en 3D
Picasso
ette rétrospective
de l’œuvre céra-
mique de Picasso
a d’abord été pré-
sentée à Aubagne dans le cadre
de Marseille 2013-capitale euro-
péenne de la culture. C’est en
effet au bord de la Méditerranée
que tout a commencé, en 1946.
L’artiste découvre par hasard les
arts de la terre en visitant l’atelier
Madoura dans le petit village de
Vallauris. Picasso, âgé de 65 ans,
est déjà mondialement connu par
ses peintures, sculptures,
gravures, sa curiosité est
insatiable, sa créativité
foisonnante… Pourquoi ne
pas l’exercer à Vallauris à
la conquête de ce nouveau
champ d’expression ? L’ar-
tiste prend possession des
lieux et expérimente formes
et décors.
Sous les doigts de Picasso,
les objets du quotidien
vont se métamorphoser
en œuvres d’art et son
sens novateur donner une toute
autre dimension à un artisanat
essoufflé. L’entourage bénéficie
de l’engagement de l’artiste dans
cet apprentissage mené à hau-
teur d’une passion subitement
exclusive et dévorante. Au point
qu’en 1947, Picasso quitte Paris
et s’installe près de Vallauris.
Chaque jour, il se rend à l’atelier
et façonne l’argile crue
« de la fin
de la matinée jusqu’au soir »
.
L’aventure prend son véritable
essor lorsque le savoir-faire de
l’un des potiers de l’ate-
lier Madoura, Jules
Agard, est mis au ser-
vice des visées artis-
tiques de Picasso. Agard
tourne des récipients
de toutes tailles, prépa-
rant les formes à partir
desquelles Picasso, le
lendemain, va pouvoir
en créer d’autres - les
siennes - faisant subir
à la terre encore souple
toutes sortes de défor-
mations, ruptures, pliages, assem-
blages, d’où émergeront des êtres
hybrides et fascinants.
Antiquité et tauromachie
Picasso mélange les couleurs...
son humeur s’enthousiasme ou
se dégrade selon qu’il en sort un
chef-d’œuvre ou une pièce banale.
Il produira 4 000 pièces dont
nombre de vases, « pignates »,
assiettes, poêlons, plats… qui ont
allure de
Faunes
sardoniques,
vases joufflus-
Visages
, pichet
- Le
Cavalier
, plat-
Corrida-Scène de
pique,
caquelon-
Tête de femme
,
plat-
Taureau
et
Têtes de faunes,
hommes barbus et soleils
… Ces ob-
jets, tout comme les plaques rec-
tangulaires en terre cuite formant
tableau, bénéficient d’une grande
inventivité en matière de décor,
l’artiste mêlant oxyde, engobe,
émail, pastel, vernis… Picasso
utilise aussi les supports les plus
inattendus et modestes qui sont
à portée de main (tomettes, frag-
ments de briques, tuiles) sur les-
quels il peint des bacchanales, des
portraits, et en fervent
aficionado
de corrida, nombre de scènes de
tauromachie.
À Sèvres, les superbes matrices en
plâtre, restées à l’abri des regards
jusqu’à la fermeture de l’atelier
Madoura, en 2008, puis confiées
à la Cité de la céramique, sont pré-
sentées aux côtés des 150 œuvres
fondatrices de Picasso. Ces plâtres
marqués d’empreintes sont les
moules originaux qui seuls té-
moignent de la
« force plastique »
de l’artiste, montrant aussi le lien
direct avec la pièce originale en
terre et avec les tirages numéro-
tés. La céramique picassienne se
révèle ainsi être miroir des réfé-
rences du grand artiste. Sa culture
méditerranéenne, nourrie de my-
thologie, et ses racines trempées
dans la dramaturgie de la corrida,
ont vibré au contact du matériau
terre, enfantant une singulière et
brillante création plastique.
n
Alix Saint-Martin
L’exposition
Picasso céramiste et la Méditerranée
présente pour la première fois une vaste rétrospective
du volet céramique de l’œuvre du peintre. À
Sèvres-Cité de la Céramique
, du 20 novembre au 19 mai.
C
©
succession
picasso
2013 /
photos
:
maurice
aeschimann
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