po r t r a i t
novembre-décembre 2013 - n°32
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olivier
ravoire
lle a conçu son projet
comme une mère et non
pas comme un entrepre-
neur. C’est peut-être cela la
clé de son succès. À la fin
des années 2000, Chantal Mainguené se
retrouve seule pour élever ses deux filles.
Elle prend alors conscience de la difficulté
de mener vie professionnelle et vie fami-
liale.
« J’étais "maman solo", je travaillais à
temps plein,
se souvient-elle
. Je me suis aper-
çue qu’une fois la garderie de l’école fermée à
18 h, il manquait autre chose pour prendre le
relais. »
À partir de ce
« besoin personnel »
,
elle se lance dans ce qu’elle appelle une
« initiative locale et citoyenne »
. Elle aban-
donne son poste dans le marketing, passe
son Bafa, le brevet d’aptitude aux fonctions
d’animateur, rencontre les écoles et les
parents d’élèves de son quartier, trouve un
local, des financements… Un an plus tard,
en septembre 2001, Môm’artre ouvre ses
portes dans le 18 e arrondissement à Paris.
L’idée : proposer un mode de garde adapté
aux familles avec des horaires décalés, des
budget serrés, des attentes différentes…
Môm’artre s’adresse aux enfants de 6 à
11 ans, du CP au CM2.
« On parle beaucoup
des modes de garde pour les 0-3 ans, la petite
enfance,
commente Chantal Mainguené
,
mais beaucoup moins pour les plus grands. »
Les soirs de semaine, à 16 h 30, les équipes
de l’association vont chercher les enfants
à la sortie des écoles desservies. Arrivés
à l’antenne, on leur sert un goûter, bio.
Puis ils font leurs devoirs aidés par des
bénévoles, retraités ou étudiants, avant
de rejoindre l’un des ateliers proposés par
des artistes, salariés de l’association. Les
ateliers durent une heure et demie environ
jusqu’à l’arrivée échelonnée des parents
entre 18 h 30 et 20 h.
« Réduire la fracture
culturelle est un des objectifs de Môm’artre. Je
pense que la moitié des familles qui font appel
à nous ne l’auraient pas fait si l’on avait mis
en avant l’idée d’ateliers artistiques plus que
celle de mode de garde. »
En semaine, l’heure
de garde coûte entre dix centimes et dix
euros en fonction du quotient familial.
« En moyenne, les familles font appel à nous
deux soirs par semaine et une demi-journée
le mercredi. »
Car Môm’artre propose éga-
lement des ateliers le mercredi et pendant
les vacances scolaires. La journée du mer-
credi coûte entre 2 et 45 euros. La journée
de stage entre 1 et 42 euros. Avec les tarifs
pratiqués, les familles représentent 35 %
du budget de la structure. Le reste est sub-
ventionné par les collectivités et les entre-
prises en direct ou par l’intermédiaire de
leurs fondations.
Depuis 2009, Môm’artre est devenu un ré-
seau avec aujourd’hui huit antennes, cinq
à Paris et trois en province à Nantes, Arles
et Lille. Dans toutes ces villes, l’antenne
est installée dans des quartiers à forte
mixité sociale. Môm’artre compte trente-
cinq salariés, quarante-cinq bénévoles et
onze jeunes en service civique. Cette année
près de neuf cents enfants seront accueil-
lis.
« Je n’avais pas conçu ce projet dans une
perspective d’entreprenariat,
souligne Chan-
tal Mainguené
. C’est sous la pression des
familles de mon quartier que la deuxième
antenne a ouvert en 2009. Nous n’étions
qu’une petite goutte d’eau face à des besoins
énormes. »
Et ils le sont toujours. D’où
le nouvel objectif : ouvrir une antenne
dans les Hauts-de-Seine. Une initiative
soutenue par le conseil général à hauteur
de quatre-vingt mille euros dans le cadre
de son appel à projets économie sociale
et solidaire 2012.
« Si je devais donner des
conseils aux personnes qui ont un projet, c’est
de ne pas se décourager et de s’entourer, se
faire aider. Quand on est entrepreneur social,
il y a une difficulté supplémentaire. Il faut
prouver que l’on travaille dans l’intérêt géné-
ral, que l’on va avoir un impact réel sur la
société. Et pour cela, à un moment donné, le
projet sur le papier ne suffit plus. On est obligé
de se lancer, de sauter le pas. Sans prise de
risque, il ne se passe rien. »
n
Émilie Vast.
Prochain forum departemental de l’économie sociale
et solidaire le 21 novembre à l’université Paris-Ouest-
Nanterre-La Défense. Lire aussi page 58.
E
EntrEprEnEUr SociaL, ELLE ESt La créatricE DE
MôM’artrE. BiEn pLUS QU’Un SiMpLE MoDE DE garDE.
“
“
Je ne voulais pas
que Môm’artre soit
une simple garderie.
En tant que mère,
je voulais que
ce soit un lieu
d’épanouissement.
J’ai fait le choix
de l’artistique car
aujourd’hui seuls
10 % des enfants
ont accès à une
activité culturelle.
Or, selon moi,
la culture est
indispensable
à la construction
de l’enfant.
Elle permet
de développer
des compétences
cruciales : créativité,
expression, vivre-
ensemble, autant
de clés pour l’avenir.