HDS. mag n°35 - page 35

en t r e t i en
dans l’organisation de la société.
Avant, il y avait cohabitation
entre les générations, un des
enfants gardait le vieux parent
chez lui. Il y avait moins de vieux
parents et plus de grandes
fratries. Aujourd’hui, vous avez
moins de descendants pour plus
d’ascendants. Comme les gens
vivent plus longtemps, vous pou-
vez avoir un couple de soixante
ans qui a encore ses quatre
parents, ce qui était inenvisa-
geable au XVIII e siècle. Vous
avez aussi des migrations, qui
font que les gens ne vivent pas
forcément dans les mêmes lieux.
HDS
Avec la canicule de
2003, y a t-il eu une prise de
conscience de la société sur
la situation des personnes
âgées ?
BP Il y a d’abord eu des discours
terrifiants. Les 15 000 morts ont
beaucoup culpabilisé la société.
La canicule a aussi posé une
question intéressante, celle du
problème du lien social et du
vivre-ensemble. Depuis, beau-
coup de communes et de Dépar-
tements se sont emparés de cet
angle et ont été amenés à y réflé-
chir. Comment aider des vieux
en situation de fragilité mais
comment ces vieux-là peuvent-
ils rendre service en échange ?
HDS
Justement, on parle
beaucoup des bienfaits de
l’intergénérationnel. Que
peut apporter aux seniors le
contact avec des personnes
plus jeunes ?
BP Pour la première fois dans
l’histoire de l’humanité, nous
sommes dans une société qui
ne sépare plus les sexes mais les
âges, ce qui favorise l’émergence
de stéréotypes. Si elles sont bien
organisées, les actions intergéné-
rationnelles marchent très bien
car elles permettent à chacun de
s’inscrire dans le temps et dans
la chaîne de générations. C’est
très structurant sur le plan iden-
titaire pour chacun.
HDS
De même, quel rôle
peuvent et doivent jouer les
aidants familiaux ?
BP Je suis favorable à ce que les
familles restent impliquées mais
il faut trouver la bonne solution
pour être aidé et introduire un
tiers. Dans une fratrie, tout le
monde n’aide pas de la même
manière. La répartition familiale
renforce les liens. Autre chose
utile, le bon usage des profes-
sionnels. Il est important de
préserver la relation affective
entre parents et enfants. Si la
charge matérielle est trop lourde
et qu’elle risque de menacer
cette relation, je trouve très bien
d’avoir recours à des profession-
nels qui prennent en charge ce
que les enfants ne peuvent pas
assurer. Et surtout, il faut éviter
la culpabilisation, notamment
pour le recours à l’institution.
HDS
À quel âge devient-on
vieux ?
BP Il est très compliqué de
répondre à cette question. Est-
ce qu’on prend en compte l’âge
social, celui de la retraite ? L’âge
chronologique ? L’Onu fixe cet
âge à 60 ans. Au XVIII e siècle,
on était vieux quand on ne pou-
vait plus subvenir à ses besoins.
Cela me paraît le critère le plus
juste sauf qu’il est très fluctuant
selon les individus, donc on ne
peut pas fixer de chiffre. Le meil-
leur repère est subjectif, quand
une personne dit qu’elle se sent
vieille.
HDS
Y a t-il une différence
entre notre âge chronolo-
gique, celui qui est inscrit
sur notre carte d’identité, et
notre âge subjectif, celui que
l’on se donne ?
BP En général, on se rajeunit.
Plus on vieillit, et plus il y a une
différence avec l’âge subjectif.
Il peut être de dix à quinze ans
à partir de cinquante ou soixante
ans. Mais il faut échapper à la
tyrannie du chiffre d’âge. C’est
un indicateur et non une cause.
HDS
Sommes-nous inégaux
face au vieillissement ?
BP C’est évident, comme pour
tous les autres âges de la vie.
Nous avons repéré les différents
facteurs qui entrent en jeu. La
bonne santé est l’un des piliers
du vieillissement mais pour ça, il
y a un héritage génétique. On dit
aussi qu’il faut avoir un logement
adapté, de bonnes ressources,
une vie affective riche, un réseau
social. Mais quelqu’un qui n’a
pas l’un de ces éléments n’est
pas forcément condamné à mal
vieillir et surtout, il ne faut pas le
culpabiliser.
HDS
Les personnes âgées ne
sont pas seulement un poids
et des dépenses pour la
société. Qu’apportent-elles
en contrepartie ?
BP La génération des baby-boo-
mers a été extrêmement pri-
vilégiée : elle n’a connu ni la
guerre ni le chômage. Il faut se
demander en quoi on peut aider
la société en fonction de son âge.
Il y a tout ce qui est du registre
du « faire » : les personnes âgées
ont un rôle de mentor, de guide
pour les plus jeunes. On peut
aussi être dans le registre du
« dire », avec toutes les actions
de transmission et de témoi-
gnage. C’est la notion de don et
de contre-don. Si vous recevez
une retraite, il faut continuer à
rendre quelque chose à la société.
Pour moi c’est un devoir.
n
Propos recueillis par Mélanie
Le Beller
Photos : Jean-Luc Dolmaire
Quand on catégorise
une population par l’âge,
c’est un mode
de stigmatisation
Questions de famille
Le maintien à domicile, le rôle de l’entourage, les risques
de l’isolement, les ressources et aides départementales... Tous ces
sujets sont abordés sur la plateforme web Questions de famille.
n
Des interviews d’experts et les réponses aux questions que vous vous posez
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mai-juin 2014 - n°35
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