janvier-février 2016 - n°45
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n°45 - janvier-février 2016
c u l t u r e
3
D
ans les années 50, la personnalité rayonnante du critique
d’art Bernard Dorival est reconnue du milieu de la
création. Ce spécialiste du XVII
e
siècle français est alors
conservateur en chef du musée national d’Art moderne
de la Ville de Paris dont il est le cofondateur avec Jean Cassou. Jansé-
niste dans l’âme, il fonde aussi le musée de Port-Royal des Champs,
à Magny-les-Hameaux, et lui donne une stature nationale.
La collection Dorival, exposée dans six salles du musée d’Art et
d’Histoire de Meudon présente des liens intéressants avec l’une des
propres collections du musée alto-séquanais, celle des années 50,
réunie au long de trois décennies par les conservateurs Francis et
Marie-José Villadier qui signent là leur dernière exposition. «
C’est
un hommage respectueux à celui qui fut notre professeur d’histoire de
l’art,
explique ainsi Francis Villadier,
à sa pensée brillante et éclairante,
au conservateur proche des artistes, exemplaire d’honnêteté intellectuelle
et de désintéressement
». Confronté, à la sortie de la Seconde Guerre,
aux défis de la création en pleine mutation, dans un Paris artistique
encore rival de New York, Bernard Dorival a vécu dans l’intimité des
artistes, soutenant leurs projets, partageant leurs doutes. Il a fait
N
é en 1941 en Bulgarie,
adolescent en Israël, Jacques
Grinberg arrive à 20 ans à
Paris : c’est l’âge où l’on doit
faire ce voyage. Jusqu’à sa mort à Malakoff
en 2011, il ne cessera d’être nomade entre
ici et là-bas. Un nomadisme de peintre qui
l’entraîne également auMexique, en Grèce,
à Londres. Car peut-être Jacques Grinberg
est-il né peintre avant d’en prendre
conscience. Mais une fois peintre, il n’en
démordra plus. Il fréquente ceux de la
Nouvelle Figuration
, s’en éloigne sans
jamais renoncer au figuratif qu’il tire
parfois jusqu’aux limites de l’abstrait –
mais n’est-ce pas là l’éternel balancier de la
peinture moderne ? Le balancier, l’équilibre
et la bascule, c’est toute l’histoire de Jacques
Grinberg. Que le titre de cette exposition
rétrospective dit si bien :
Entre chair et
esprit.
L’amour du beau et son impossible
incarnation dans le réel. La rage dumonde,
l’impuissance qu’on en a et la solitude qui
s’ensuit. La balance qui lui fait refuser
règles et dogmes et l’entraîne néanmoins
jusqu’aux racines spirituelles de
l’humanité. Sa peinture est immédiate –
car qu’y a-t-il de plus immédiat que le
masque, la face, le visage primitif ? Dans le
même geste, il l’alimente de symboles,
figures et chiffres surgis de la kabbale, de
l’art paléochrétien, des mystères précolom-
biens, des vertiges extrême-orientaux. Un
cri hérissé de nombres et signes : on peut
l’écouter aujourd’hui comme celui
d’un enfant de
Guernica
qui aurait
annoncé Basquiat.
n
www.maisondesarts-chatillon.frDorival
l’art passionnément
Au musée d’Art et d’Histoire de Meudon, la collection Dorival révèle un regard personnel et passionné
sur les grandes étapes de la peinture française.
Jusqu’au 6 mars.
Du 15 janvier au 28 février, rétrospective Jacques Grinberg à la Maison des arts de Châtillon
:
un peintre pour les temps d’aujourd’hui.
E
t non, il n’y a pas que le Japon ni la
Chine sur le continent des arts
d’Extrême-Orient. Et grâce aux
manifestations récentes présentées depuis
l’été dernier, on apprend à connaître de
mieux en mieux l’autre géant. Du 10 février
au 3 avril, la Maison des Arts d’Antony se fait
donc «
fleuves et montagnes brodés dans la
soie
». Avec des installations, blanches et
minimales : KimSunga travaille un spectacle
immobile autour de marionnettes encloses
ou sorties de leurs cadres ; en équilibre entre
l’Asie et la modernité occidentale, Choi
Hyun Joo monte des cubes et des grillages ;
Kim Myoung-Nam distribue lumières,
ombres et minuscules figurines sur des
espaces de papier et de porcelaine. Le papier
hanji, fabriqué avec des feuilles de mûrier,
c’est le marbre et la pierre des sculptures de
Kim Sang-Lan, à la fois organiques et
minérales. Sur papier également, et en grand
format, les calligraphies de Jung Do-Jun,
dont le geste, le même depuis mille ans,
trace des lignes entre la tradition et notre
siècle. Ce siècle qui nourrit les photomon-
tages énigmatiques de Han Eva Eun-Sil
comme les acryliques de Jang Kwang-Bum,
strates recouvertes et poncées à la recherche
d’un temps perpétuellement liquide et
soudain figé. Enfin, on n’imaginerait pas
une exposition d’art coréen sans porcelaine !
On en revient à la tradition des
dal hangari
– ces jarres rondes et blanches comme la
pleine lune – réinventée pièce après pièce
par les céramistes Shin Chul et Shin
Gyung Kyun.
n
Matières détournées. La Corée entre tradition et
modernité.
www.ville-antony.fr/maison-des-artsNeuf
de Corée
pano r ama
Un cri hérissé
de signes
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ung
D
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earth
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entrer ses contemporains dans les collections publiques nationales,
les a exposés, a multiplié les publications pour les faire découvrir.
Des primitifs italiens aux productions contemporaines, l’étonnante
collection Dorival est ainsi un concentré d’histoire de l’art. S’ouvrant
sur la contemplation d’une œuvre exceptionnelle, dans son cadre du
XV
e
tout aussi rare,
Portrait du Christ
, de Jacopo del Sellaio, le parcours
égrène des tableaux signés Boudin, Staël, Vieira da Silva et Szenes, Le
Moal, Atlan, Singier, Manessier, Hartung… mais aussi une exception-
nelle
Sanguine
et deux huiles de Philippe de Champaigne, un ravissant
Portrait
d’enfant de Jean-François Millet… et la
Liseuse
d’Odilon Redon
qui inspira la « période rose » de Picasso. La sculpture est représentée
par Richier, Gonzalez, Pevsner, Gilioli, Léger, aux côtés des gouaches
et aquarelles de Villon, Cortot, Schneider, Bazaine, Magnelli, des
crayons de Sonia Delaunay, d’un pastel « abstrait » de Claude Monet
ou des
Baigneuses
de 1903, une pièce centrale de Rouault. Un parcours
écclectique comme un reflet de la personnalité de Bernard Dorival,
découvreur passionné.
n
Alix Saint-Martin
www.meudon.fr