Previous Page  37 / 76 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 37 / 76 Next Page
Page Background

novembre-décembre 2016 - n°50

|

HDS

mag

|



po r t r a i t

lle redescend peu à peu de son

nuage. Mais, pour elle, le samedi 17 septembre 2016 restera

à jamais gravé dans sa mémoire. Ce jour-là, Nantenin Keita

décroche enfin le Graal : une médaille d’or aux Jeux Paralym-

piques, en 400mètres catégorie T13 (réservée aux malvoyants).

« Quand j’ai changé de coach il y a trois ans, mon objectif était

de gagner cette course et d’améliorer mon record. Toute ma prépa-

ration s’est focalisée là-dessus. »

Championne du monde et

d’Europe en titre de la discipline, elle s’alignait en favorite.

Depuis le podium, les souvenirs se bousculent dans sa tête.

« Le

plus beau, c’est quand j’ai chanté la Marseillaise et que j’entendais

toute l’équipe de France derrière moi. Les Jeux, c’est vraiment une

aventure humaine à part. »

L’athlète d’origine malienne - elle est

arrivée en France à l’âge de deux ans - s’est aussi alignée sur

le 100 mètres, où elle a terminé à la cinquième place en finale.

« Pour moi, une médaille dans cette discipline aurait été du bonus.

Je ne suis pas déçue par mon résultat mais plutôt par la manière

dont j’ai couru. »

Premiers titres

Atteinte d’albinisme, Nantenin Keita ne possède que 0,7 et

0,8 dixième d’acuité visuelle, contre dix pour une personne

parfaitement voyante.

« Je ne vois que de très très près, uniquement

les lignes blanches de mon couloir et je distingue les couleurs. Pour le

reste, on s’adapte, on prend des automatismes et surtout, on se fait

confiance. »

Pour elle, son handicap n’a jamais été un frein,

bien au contraire.

« J’ai essayé plein de sports comme le handball

ou le basket. Et si ça ne marchait pas, tant pis ! D’ailleurs, pour

ma première course, au collège, j’ai fini à l’hôpital. »

Pas rancu-

nière, Nantenin insiste, prend sa première licence dans le club

de Nancy et enchaîne les compétitions. «

C’est lors de l’une d’entre

elles, à Vittel, que l’on m’a proposé de faire un stage avec l’équipe de

France.

» En 2002, elle monte pour la première fois sur un

podiummondial en devenant vice-championne du monde du

400 mètres avant de conquérir le titre en 2006. En parallèle,

elle gagne trois médailles aux Jeux de Pékin et de Londres.

Choix du cœur

L’humain semble guider au quotidien la carrière de Nantenin

Keita. Depuis deux ans, elle est licenciée au RCF Issy Avia.

Un choix du cœur.

« Mes deux entraîneurs sont deux personnes

que j’adore et qui partagent les mêmes valeurs que moi. »

En parallèle, elle travaille dans les ressources humaines.

E

Son objectif : faciliter l’insertion des personnes handicapées

dans le monde du travail.

« Pas mal de mesures ont été mises en

place pour faciliter leur intégration mais il manque parfois un petit

détail comme une chaise ou un écran adaptés. »

Aujourd’hui,

elle partage son temps entre son activité professionnelle et

ses sept à huit entraînements par semaine à l’Insep. Enfin

elle a créé avec son père, le chanteur Salif Keita, la SNK (Salif

Nantenin Keita) qui soutient et fournit des soins aux personnes

albinos, plus fragiles physiquement. Car en Afrique, ceux-ci

sont toujours victimes de préjugés, leurs organes ayant, selon

des croyances locales, des vertus guérisseuses. «

Ils subissent

des discriminations, des maltraitances voire pire. Avec un peu plus

d’éducation, l’albinisme ne devrait plus étonner.

»

Hyperactive

Après les Jeux, Nantenin s’est accordé un peu de repos.

Avant de s’attaquer à de nouveaux challenges. «

Depuis

2010, j’ai envie de faire du 400 mètres haies mais j’ai été souvent

blessée

. » Pas question pour le moment de parler de retraite,

les championnats du monde à Londres en 2017 font partie de

ses objectifs.

« Je prends les années les unes après les autres, sans

me fixer de limite. Je suis une hyperactive et je ne vais pas arrêter

le sport comme ça. Je sais que je peux être encore plus rapide sur

400 mètres. »

Très proche de son père, albinos comme elle,

Nantenin applique à la lettre ses conseils.

« Il m’a toujours

dit qu’il faudrait que je fasse plus que les autres. Ce conseil m’a

toujours guidée. »

n

Mélanie Le Beller

Je sais rester humble.

Avoir une médaille

d’or, c’est formidable

mais je ne vais pas

pour autant changer

de vie. Je préfère

rendre tout ce que

j’ai eu et tout ce que

l’on m’a donné,

m’intéresser aux

autres et être

empathique.

© ATP / C

elso

P

upo

/ F

otoarena