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HDS
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n°51 - janvier-février 2017
Marie-Christine Jaulent dirige le Limics,
un laboratoire qui étudie le traitement des données médicales
pour un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge des patients.
HDS
Aujourd’hui, quand on parle de e-santé, on pense à
des objets connectés plutôt destinés au loisir et au bien-être.
Est-ce une idée préconçue ?
MCJ
Pour les gens en bonne santé, c’est un loisir ! Par exemple,
une cuiller connectée nous aide à manger moins vite et donc à amener
la sensation de satiété au bon moment, elle a un usage ludique. Mais elle
peut aussi avoir une utilité pour les personnes atteintes de la maladie
de Parkinson et permet de mesurer l'amplitude des tremblements.
Ces objets connectés ont toujours un potentiel pour devenir des dispo-
sitifs médicaux mais cela se fait très peu car il faut des financements.
La différence entre objet connecté et dispositif médical est que le dispo-
sitif médical doit être prouvé. Il faut que des essais cliniques aient
démontré son impact et sa validité. Le médecin a le droit de se tromper à
la marge mais la machine, non. Or si elle se trompe, qui est responsable ?
HDS
Quelles évolutions techniques et technologiques ont fait
leur apparition dans le domaine de la santé ?
MCJ
On se dirige aujourd’hui vers le plus en plus petit en amenant
un médicament vers une cellule précise. Il y a aussi des nouvelles
technologies d’imagerie en 3D voire 4D qui permettent d’accéder à
de nouvelles informations. D’autres innovations analysent de grosses
masses de données comme des bases de données textuelles. En pharma-
covigilance, on s’intéresse aux effets indésirables des médica-
ments après leur mise sur le marché. On sait que les gens parlent
de leurs médicaments entre eux mais pas forcément à leur médecin.
Pour le Médiator par exemple, si on regarde rétrospectivement ce qui se
racontait sur les réseaux sociaux dix ans avant, on peut se rendre
compte que les gens décrivaient des effets indésirables dont on parle
aujourd’hui. Mais comment savoir si les informations sont intéres-
santes ? On ne le sait que de manière rétrospective... Des nouvelles
technologies essaient donc de faire émerger des signaux sur ces grosses
masses de données textuelles.
HDS
Quels changements ces évolutions technologiques ont
apporté à la fois au médecin et au patient et plus globalement
à la société ?
MCJ
Le médecin obtient des données qui peuvent lui permettre de faire
moins d’erreurs, d’être plus objectif, de faire le meilleur diagnostic et
donc donner le meilleur traitement. Le lien médecin-patient se modifie :
pour certains maux, on ne sera plus obligé de consulter car les gens
auront un comportement beaucoup plus éclairé par rapport à leur santé.
Plus le patient prendra en charge sa santé, plus il y aura de la prévention
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maga z i ne
Avec la e-santé,
se modifie
la relation médecin-patient