en t r e t i en
« modèle wikipédien », plus
participatif, ne permettra jamais
de tout gérer. Il y a d’autres
l imi t e s à l’ u t op i e , c omme
des questions de coût et des
questions environnementales.
Pour la
smart city
, on pense
toujours à une espèce de ville
formidable, post-industrielle,
en oubliant qu’il y a encore
beaucoup de villes industrielles
dans ce bas monde, ainsi que
des bidonvilles d’ailleurs… Cela
ne veut pas dire que la
smart city
ne concerne que les villes riches,
mais ça veut dire qu’il faut proba-
blement imaginer des modèles
différenciés.
HDS
Commen t i n t égre r
tou te s ce s i nnova t i on s
technologiques au bâti déjà
existant, et notamment au
patrimoine parfois ancien ?
AP
Le numérique est incroya-
blement flexible. Nous sommes
face à une technologie dans
laquelle le bâti pose moins de
problème que l’automobile par
exemple : il est plus difficile
de faire passer dans le paysage
une autoroute que de la fibre
optique. Curieusement, on ne
sait aujourd’hui pas tant de
choses sur une évolution du bâti
proprement dit. Mais l’idée de
smart city
n’est absolument pas
des pertes dans toute innovation
technologique. Les réseaux
créent toujours des inégalités :
il y a toujours des gens qui sont
mieux desservis que d’autres.
Pour l’instant, le concept de
smart cities
est émergent dans
des grandes villes et des villes
moyennes. Mais l’accès aux
services via internet ou les
smartphones
se diffuse très vite.
Le numérique élargit quand
même le champ des possibles
pour beaucoup de gens. Avant, si
vous vouliez faire entendre votre
voix, par exemple, il fallait arriver
à vous faire publier, passer à la
radio, etc. Aujourd’hui, n’importe
qui peut ouvrir un blog ou un
compte sur les réseaux sociaux.
HDS
Géolocalisation, partage
de données… Comment
concilier toutes ces nouvelles
notions avec celles de liberté
de circulation et de respect
de la vie privée ?
AP
Nou s ne s omme s p a s
forcément surveillés mais nous
laissons des traces. Le degré de
surveillance est aussi le degré de
contrainte que vous êtes prêt à
accepter en échange de certains
avantages. Par exemple, si vous
acceptez d’acheter sur internet,
c’est parce que vous considérez
que le
tracking
que fait le site de
vos données est moins domma-
septembre-octobre 2014 - n°37
|
hds.
mag
|
cg
92/
jean
luc
dolmaire
geable que le bénéfice que vous
en tirez. C’est peut-être l’aspect
le plus redoutable : dans cette
surveillance, on est parfois
gagnant…
H D S
O n p a r l e a u s s i
beaucoup des écoquar -
tiers. Comment peuvent-ils
fonctionner en lien avec les
smart cities
?
AP
Au-delà des écoquartiers,
nous sommes face à des défis
environnementaux assez redou-
tables. Ces défis, si l’on veut
essayer de les relever, il va falloir
investir beaucoup plus d’intelli-
gence qu’avant et se servir des
technologies du numérique
pour une meilleure gestion des
ressources. C’est aussi l’une des
idées de base de la
smart city
:
contribuer au développement
durable. Le problème est de
savoir où se situe l’équilibre.
La tendance aujourd’hui est de
fabriquer des immeubles qui se
pensent comme autosuffisants.
Or, la ville, traditionnellement,
c’est le partage, la solidarité.
L e s é c o q u a r t i e r s n e s o n t
qu’une réponse très partielle
à un problème plus général :
comment repense-t-on les solida-
rités urbaines ? Sur ce point, le
numérique peut contribuer à
tisser de nouveaux réseaux, de
nouvelles formes de relation et
de partage.
HDS
Dans tous ces change-
ments de la ville, quel rôle
peuvent jouer les habitants?
AP
Je pense qu’ils peuvent
jouer un rôle considérable. La
ville intelligente demande à tout
instant de prendre des décisions.
Elle doit permettre aux citoyens
d’intervenir beaucoup plus, plus
vite et plus facilement. Cela va
changer profondément la vie
politique car nous avons encore
du mal à imaginer une ville dans
laquelle tout le monde, tout le
temps, aura des choses à dire et
la possibilité d’agir...
n
Propos recueillis
par Mélanie Le Beller
Photos : Jean-Luc Dolmaire
incompatible avec des quartiers
historiques et n’implique pas de
démolir l’existant.
HDS
Ce s v i l l e s i n t e l l i -
gentes vont-elles réduire ou
accroître les inégalités entre
les habitants ?
AP
Il y a toujours des gains et
