HDSmag 37 - page 41

septembre-octobre 2014 - n°37
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willy
labre
ne saison s’achève, une autre
commence. Depuis plus
de vingt ans, c’est le même
rituel pour Laurence Équil-
bey. À peine le temps de
tourner une page qu’elle pense déjà à l’ave-
nir : le premier album d’Insula Orchestra en
septembre, un enregistrement du
Requiem
de
Mozart, mais aussi le premier concert inter-
national de l’ensemble, à Salzbourg. Un lieu
choisi comme un symbole pour la chef d’or-
chestre de 52 ans, mais pas seulement pour
Mozart : elle a passé son enfance entre Bavière
et Lorraine.
La musique s’est imposée à elle dès le lycée.
«
Jouer était une échappatoire à l’austérité
de ma pension
», se souvient-elle. Des études de
musicologie et de direction d’orchestre, une
quinzaine d’années passées entre Paris,
Vienne et Londres, Laurence Équilbey est
une hyperactive. Dès son retour en France,
en 1991, elle crée Accentus, un chœur de
chambre de trente-deux chanteurs. «
En créant
votre ensemble, vous avez la main artistiquement.
On ne peut pas rêver meilleure adéquation entre
son projet et sa mise en œuvre
», explique-t-elle.
Depuis, l’ensemble a obtenu trois Victoires
de la musique classique, une nomination
aux Grammy Awards et s’est vu décerner un
disque d’or. Parallèlement, elle est réguliè-
rement invitée à l’Orchestre de Rouen et à
l’Orchestre de chambre de Francfort. Elle a
aussi imaginé Tenso, un réseau européen d’or-
chestres de chambre, qui regroupe une quin-
zaine de membres. Enfin, elle est à l’origine
du Département supérieur de jeunes chan-
teurs du Conservatoire régional de Paris, qui
permet de compléter la formation de jeunes
artistes avec des cours de théâtre ou de danse.
Ce travail auprès des jeunes, elle le poursuit
avec Insula orchestra, qu’elle a créé en 2012
avec le soutien du conseil général. Depuis
deux saisons, elle mène ainsi des actions dans
toutes les villes du département afin d’élargir
le public de la musique classique. Ce sont
des concerts et des chorales, mais aussi des
initiatives ponctuelles comme
Take the Baton
qui propose aux jeunes de se mettre dans la
peau d’un chef d’orchestre ou des
flashmobs
:
«
nous travaillons les formats de concerts, qui sont
souvent trop longs pour eux
»
.
Insula Orchestra,
c’est surtout un ensemble de musiciens
qui jouent, sur des instruments d’époque,
la musique du XVIII e et du début du XIX e
siècle. «
On quitte l’époque baroque pour un style
beaucoup plus codifié. Pendant ces cent ans de
musique prodigieuse, il y a eu un contexte poli-
tique très chargé en Europe, ce qui donne une
turbulence fantastique.
»
Éclectique, Laurence Équilbey l’est, à travers
toutes ses collaborations. Passionnée d’art
contemporain, amatrice de musiques élec-
troniques, elle a également travaillé avec des
interprètes plus « grand public » comme
Émilie Simon ouMoriarty. «
J’aime de temps en
temps avoir des fenêtres inventives. C’est un désir
de rencontres avec d’autres styles. Je peux m’inté-
resser à un hautbois d’époque comme au son d’un
ordinateur.
» Des voyages dans le temps dans
lesquels elle s’efforce d’emmener le public.
«
Je n’aime pas l’idée de laisser le spectateur sur
le bord de la route. J’ai notamment développé le
sous-titrage lors des concerts et je soigne beaucoup
les notes de programme. Je veux absolument que
les gens comprennent les enjeux des œuvres.
» Il
lui faut en moyenne une année pour prépa-
rer un morceau. «
Je travaille beaucoup dans
le dialogue et le respect avec les musiciens. Je leur
demande beaucoup en échange : de la concentra-
tion, de l’investissement, du dépassement de soi,
de la motivation. C’est une relation proche qui ne
doit pas devenir trop familière.
»
Laurence Équilbey s’engage aussi pour la
promotion des femmes dans le milieu de la
culture. Avec par exemple 3 % de femmes
chefs d’orchestre en France, la musique clas-
sique reste encore un monde essentiellement
masculin. «
Les chiffres sur les postes à responsa-
bilités dans la musique sont très mauvais. Ce n’est
même pas admissible dans un milieu supposé être
ouvert.
»
Demain, l’avenir d’Insula Orchestra s’inscrira
sur l’îleSeguinet saCitémusicaledépartemen-
tale, où l’ensemble s’installera en 2016. «
C’est
un projet qui nous permettra d’expérimenter
de nouveaux formats, de faire des essais. C’est
assez ambitieux artistiquement.
» D’une
insula
à l’autre, Laurence Équilbey s’ouvre de
nouveaux horizons.
n
Mélanie Le Beller
Le 8 octobre au Carré Belle-Feuille à Boulogne, avec
le spectacle
Bataille et Victoire
.
U
Fondatrice et cheF d’orchestre de l’ensemble insula
orchestra, elle combine carrière internationale et
actions pédagogiques locales auprès des jeunes.
Insula Orchestra
a une politique
de rayonnement
local, national et
international. C’est
très important pour
un ensemble d’être
à la fois très proche
d’un public local
et du département
dans lequel on se
trouve et d’un autre
côté, de faire des
grandes scènes pour
prendre du recul, se
confronter et mettre
en perspective sa
propre production
artistique.
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