HDSmag 37 - page 46

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n°37 - septembre-octobre 2014
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À découvrir
Depuis les années 80, la maison Van Doesburg est devenue une
résidence d’artistes qui relève d’une fondation néerlandaise.
À partir de septembre, le lieu sera ouvert au public tous les
premiers samedis dumois, de14hà17h ; des visites guidées seront
également organisées pour les Journées européennes du Patri-
moine (puis toute l’année sur rendez-vous au 01.45.34.15.89).
n
-
(site web : en cours de création)
primaires anime un étage de la
façade en s’appliquant à une
porte : jaune pour le rideau de
garage, bleue pour la porte
d’entrée au premier, rouge pour la
porte du toit terrasse. Ne dirait-on
pas une toile de Mondrian ?
Néoplasticisme
Dernier geste architectural de
Theo van Doesburg, décédé
quelques semaines après s’être
installé avec son épouse Nelly à
Meudon, la maison-atelier est une
œuvre en soi. Elle est la synthèse
des deux projets de l’artiste restés
à l’état de « modèles théoriques » :
la Maison d’artiste et la Maison
particulière
. Brillant théoricien de
l’art, Van Doesburg est peintre,
architecte, designer, céramiste,
écrivain…, proche de l’esprit du
Bauhaus, un mouvement d’avant-
garde de l’entre-deux-guerres. En
1924 et en 1930, dans ses écrits
intitulés
Vers une architecture
plastique
, Van Doesburg précise
ainsi sa vision de l’art moderne :
«
L’architecture est l’expression la
plus parfaite des arts parce qu’elle
est le seul domaine permettant la
mise en œuvre simultanée et globale
de tous les moyens de création
plastique
». À Meudon, malgré
le manque de moyens, il réussit
à inscrire dans l’espace de sa
maison-atelier l’essentiel des
principes théoriques du néoplasti-
cisme. Figure emblématique, avec
Piet Mondrian, du mouvement
De Stijl
, Van Doesburg fonde la
même année, en 1917, la revue
du même nom qui en diffuse les
idées. L’influence du néoplasti-
cisme s’étend rapidement à l’art
contemporain pendant l’entre-
deux-guerres et à l’architecture
internationale de la seconde
moitié du XX e siècle.
Décor sobre, symétrie,
tout-béton… et la lumière
qui devient un élément
clef du bâtiment.
L’impératif de
De Stijl
: simplifier
les formes. Et en premier lieu,
bannir les courbes… L’architecte
se sert de la couleur comme
d’un matériau de construction et
réduit son emploi aux trois tons
primaires (bleu, jaune, rouge),
aux deux valeurs (noir, blanc) et
à la nuance qui en découle (gris).
Épris de cubisme, Van Doesburg
dessine sa maison et son atelier :
«
deux cubes identiques de 44 m 2 ,
décalés d’un étage, s’emboîtant en
diagonale
» (côté rue par le toit-
terrasse, côté jardin par la terrasse
de plain-pied). Le décor est sobre :
rares chaises
Result
de Friso
Kramer, bureau fixe en béton brut
dessiné par Theo, lampadaire de
Gerrit Rietveld, fauteuils scandi-
naves…. Ici, l’élément essentiel
est la lumière. Deux immenses
v e r r i è r e s , r i gou r eus emen t
symétriques, rythment par leurs
lignes noires et verticales l’afflux
de lumière blanche.
Le style
Quant au matériau, c’est le béton
qui triomphe : structure en
béton armé, sol en béton teinté
dans la masse, tables-bureaux
en béton brut, ancrées au sol…
Faisant exception au « tout-
béton », les murs de la maison
sont en solomite (mot russe signi-
fiant « paille »), un matériau de
construction isolant. Toutes les
parois sont peintes d’une « non
couleur », un blanc gris pâle dont
la neutralité vise à renforcer la
cohésion de l’architecture. La
circulation intérieure est, elle,
déterminée par le code couleur du
sol et par les parois qui pivotent.
Codes couleur
Soulignant l’axe central qui conduit
de la porte d’entrée de la maison à
l’atelier, le sol en béton gris-noir
met en valeur les œuvres d’art
exposées dans l’atelier. De part
et d’autre de cette colonne verté-
brale, le béton ocre-jaune éclaire
le sol de la chamber, le béton ocre-
rouge vient réchauffer le sol de
la salle de musique et celui du
bureau-bibliothèque dépourvu de
fenêtre. Quant aux espaces, ils
s’ouvrent les uns aux autres par
des battants qui pivotent, tantôt
portes, tantôt murs, permettant
«
la répartition transversale de l’étage
habitation-atelier
». Au plafond du
bureau-bibliothèque, un puits de
lumière éclaire subtilement la
pièce à travers un vitrail de Theo
qui pourrait évoquer l’une de
ses toiles, ou la couverture d’un
livre, ou la façade de la maison…
composées selon les mêmes codes
esthétiques : pas de décoration,
toujours de l’architecture !
n
Alix Saint-Martin
Même le bureau est en
béton brut rivé au sol…
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