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c u l t u r e

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HDS

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n°41 - mai-juin 2015

mai-juin 2015 - n°41

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r epo r t age

CD92/O

LIVIER

R

AVOIRE

Autour d’une œuvre spécialement composée pour eux,

apprentis instrumentistes et musiciens

professionnels de TM+ conjuguent leurs énergies

. Concert au théâtre Jean-Vilar de Suresnes le 19 juin.

C’

est

le

début

du printemps :

première approche

commune, par des

élèves du conservatoire de

Nanterre, de l’œuvre composée

par Régis Campo pour le projet

Symphonie Villes

. Une demi-

douzaine de guitares acous-

tiques, une électrique et deux

harpes : la trame rythmique.

Ce n’est bien sûr pas la première

fois que les jeunes abordent cette

partition nouvelle, dans tous les

sens du terme. Comme dans les

autres conservatoires et dans le

collège impliqués – à Rueil-

Malmaison et à Suresnes – ils

travaillent

depuis

plusieurs

semaines, avec leurs professeurs

respectifs, la partition que le

compositeur est déjà venu leur

présenter. Un privilège dans le

domaine de l’apprentissage de la

musique où l’on a plutôt l’habi-

tude de fréquenter des fantômes

vaguement intimidants. Et pas

du tout celle d’entendre un

compositeur leur confirmer que

cette œuvre-là, il l’a composée

spécialement pour eux.

Très vite, la relation directe avec

des professionnels hausse chez

les apprentis le niveau d’attente

– donc d’intérêt, de concentra-

tion, de plaisir. La harpiste Sté-

phane-France Léger, professeur

au conservatoire de Nanterre,

est une « moderne » convaincue

par le projet : «

J’essaie toujours de

sensibiliser mes élèves à la musique

contemporaine, parce que j’en

joue et que j’adore ça ! Seulement

cela ne fonctionne pas à coup sûr.

Certains n’accrochent pas, ou pas

encore, et d’autres plongent com-

plètement dedans, comme Maureen

et Maëlle. Je leur ai juste dit : C’est

une chance, foncez, vous pourrez

toujours dire après que ça ne vous

plaît pas…

»

Autant a-t-on l’habitude du jeune

adolescent à la guitare, autant

le préjugé de la harpe – impo-

sante, complexe, voire archaïque

– n’a pas la faveur du

cool

. Et

pourtant… Maëlle a 13 ans,

Maureen 16, et chacune sept ans

de harpe entre les mains, pour la

beauté et la force d’un son décou-

les œuvres au programme :

Pop-Art, Street-Art

et

Farandoles

de bribes, en ribambelles

3

les 3 conservatoires de Nanterre,

Rueil et Suresnes + 1 classe

orchestre du collège Henri-Sellier

3+1

les musiciens professionnels

de TM+ (flûtes, percussions,

piano, violon, contrebasse)

5

musiciens amateurs avec 6 zarbs,

10 violoncelles, 12 guitares, 2 harpes,

22 instruments à vent et 23 choristes…

75

de Street Art

La symphonie urbaine

a expliqué les différents modes de

jeux inédits, comme frapper sur les

caisses des guitares, ce sont des pro-

cédés rythmiques qu’ils aiment bien

et qui sont, là, spécialement écrits

pour eux.

»

Quand Laurent Cuniot, direc-

teur musical de l’ensemble TM+

– bientôt trente ans d’existence

dont presque vingt en résidence

à la Maison de la Musique de

Nanterre – prend en charge une

création hybride de ce genre,

il n’est pas question de laisser

vaguer les critères d’exigence

musicale dont il est le garant. La

rigueur, en musique, est un pré-

supposé ; on peut ensuite aller

faire courir l’énergie de la liberté,

mais seulement lorsque les fon-

dations sont solides. Ce qui sup-

pose une reprise incessante de

ce qui cloche jusqu’à ce que cela

tombe enfin sous le sens. Avec

les piques d’humour : «

Vous êtes

déjà de vrais musiciens profession-

nels, vous accélérez sur les noires et

vous ralentissez sur les croches…

»

Et très vite la reconnaissance du

travail accompli dès lors que les

choses sont en place.

Graff musical

Il y a treize ans, Régis Campo

composait

Pop-Art

, incursion du

groove dans la musique contem-

poraine…

Street-Art

en est une

descendante, métissée de cou-

leurs, de timbres, de généra-

tions, d’instruments, dont les

complexités sont adaptées aux

savoir-faire respectifs de chacun

des pupitres. Cinq mouvements

sur une vingtaine de minutes :

trois agités par une pulsation

permanente – «

cardiaque, viscé-

rale, proche de la danse

» – avec

«

l’arrière-monde plus suspendu,

mystérieux, nocturne

» des deux

mouvements pour chœurs sans

paroles. «

Parfois, une image, un

titre déclenchent tout le reste

, se

souvient Régis Campo.

Street-

Art, c’est une musique inspirée par

les graffs qu’on voit sur les murs des

villes. Pour la forme, les matériaux,

le côté immédiat. Je voulais pousser

le travail sur la pulsation, aller loin

dans la direction de la techno ou

de la dance, mais à ma manière de

compositeur.

»

Réunissant quatre-vingts musi-

ciens, le projet

Symphonie Villes

ne se conçoit pas sans de nom-

breux partenaires. Au premier

rang desquels le conseil dépar-

temental et la ville de Nanterre.

Soutiens de TM+ sur le long

terme, ils ont décidé de s’impli-

quer plus encore dans ce projet

emblématique, au carrefour

de l’éducation et de la culture

à destination des différents

publics d’un même territoire.

Les conservatoires sont évidem-

ment de la partie, ainsi que le

pôle éducation artistique de la

Sacem et l’association Orchestre

à l’école. Un certain nombre de

partenaires privés participent

également, comme la fondation

Berger-Levrault et son concours

100 % Talents des territoires.

Vous voulez savoir comment

peut sonner du Street-Art – «

ce

monde urbain, un peu bruyant, très

rythmé et assez sympathique

» ?

Laissez-vous embarquer dans

le mouvement vendredi 19 juin

à 21 h au théâtre municipal Jean-

Vilar de Suresnes !

O

Didier Lamare

www.theatre-suresnes.fr www.tmplus.org

vert dans les dessins animés de

l’enfance. Alors, la confrontation

avec la musique contemporaine ?

«

C’est mieux que le classique habi-

tuel, c’est plus moderne

», s’excla-

ment-elles aussitôt. Qu’est ce

donc qui serait vieux d’un côté, et

moderne de l’autre ? «

Le rythme,

d’abord, et les sonorités dont on n’a

pas l’habitude. C’est comme essayer

des choses nouvelles par rapport à

une musique plus ancienne. D’ail-

leurs, le compositeur est venu et

nous a dit d’inventer des façons

de faire.

» Et Maëlle, ravie, de le

démontrer par l’exemple avec

une clé d’accordage dont elle

use sur les cordes de sa harpe

comme les guitaristes de blues

du

bottleneck

. Pour Maureen, qui

avait déjà eu une expérience d’or-

chestre, l’envie de se retrouver

dans la cour des grands est une

motivation supplémentaire : «

Je

me suis renseignée sur TM+, c’est

génial de pouvoir jouer avec de vrais

pros, qui font des tournées, qui font

des créations…

» Le pari du «

fon-

cez !

» est visiblement gagné !

Avec les pros

Jouer ensemble quelque chose

de neuf avec des professionnels,

le défi est le même du côté des

élèves guitaristes de Brigitte

Weiss, leur professeur de conser-

vatoire. «

Ils ne sont pas forcément

ravis au départ. Parce que ce n’est

pas leur musique quotidienne, leur

partition ne représente qu’une par-

tie de l’ensemble, ils ne comprennent

pas tout de suite. C’est à la première

répétition que, soudain, ils ont un

premier aperçu de ce qui se pas-

sera autour d’eux, avec les autres

instrumentistes. Avoir rencontré

le compositeur est essentiel : il leur