mai-juin 2015 - n°41
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n°41 - mai-juin 2015
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Culture sourde
Dans cette entreprise de onze
salariés, tous sont issus de la
culture sourde : soit en l’étant
eux-mêmes, soit en vivant ou en
ayant vécu avec des personnes
malentendantes. En arrivant,
Sourdline les forme aux métiers
de la relation clients. Raphaël, lui,
est arrivé il y a trois ans. Après un
bac professionnel génie méca-
nique
« pour faire plaisir à ses
parents »
, il avait toujours rencon-
tré des difficultés dans ses pré-
cédents emplois.
« L’intégration
était difficile, j’étais tout le temps
exclu, je n’en pouvais plus alors j’ai
préféré laisser tomber »,
explique-
t-il. Cette exclusion, il la ressent
jusque dans sa vie de tous les
jours.
« Par exemple, au quotidien,
je ne peux pas appeler un médecin.
Ce service aurait du exister depuis
jusqu’à la traditionnelle musique
d’attente, qui se transforme ici en
vidéo en langue des signes pour
faire patienter le client…
Interprète
Au bureau à côté de Raphaël, c’est
au tour d’Alexandra de prendre
une communication. Cette fois-
ci, c’est une jeune femme ayant
des problèmes de réception de
ses chaînes de télévision qui sol-
licite Sourdline. Une conversa-
tion vidéo s’engage en langue des
signes avant qu’Alexandra n’ap-
pelle elle-même le service client
de l’entreprise. Elle s’exprime à
la première personne, comme si
elle était elle-même la cliente et
traduit en simultané, devant la
webcam, à la personne sourde.
« Les employés sont polyvalents, font
aussi bien du chat que de la visiocon-
férence »,
explique Carolie Mitanne.
Aujourd’hui, 60 % des communi-
cations se font par visioconférence
et 40 % par chat.
Sourdline a dû se faire connaître,
aussi bien par les entreprises que
par la communauté sourde elle-
même. D’où un gros travail de
communication en amont.
« On
se déplace dans les associations,
nous sommes tout le temps en train
de diffuser de l’information, notam-
ment par les réseaux sociaux. Dès
bien longtemps. Mais avec internet
et les nouvelles technologies, c’était
le bon moment pour le développer. »
Aujourd’hui, son visage souriant
parle pour lui.
« Depuis que je tra-
vaille ici, je m’épanouis, j’ai vrai-
ment trouvé ma voie. J’ai vraiment
l’impression d’aider les gens. »
C’est pour ce travail d’insertion
de personnes sourdes comme
Raphaël que Sourdline est
devenu, en octobre 2014, lauréat
de l’appel à projets d’économie
sociale et solidaire du conseil
départemental. À la clé, une aide
de 115 000 euros, qui va per-
mettre entre autres de développer
le projet d’application mobile.
Encore un autre coup de pouce
pour les personnes sourdes.
O
Mélanie Le Beller
Photos : Jean-Luc Dolmaire
www.sourdline.com68
le montant en euros de
la subvention du conseil
départemental dans le cadre
de l’appel à projets d’ESS.
le nombre de lauréats de l’appel
à projets d’ESS depuis 2011,
avec plus de 3,5 millions d’euros
de subventions
115 000
le nombre d’appels
traités tous les mois par
les sept conseillers clients
de Sourdline
1 000
les salariés sont issus de la
culture sourde en étant soit
sourds, soit en contact quotidien
avec un malentendant
Culture sourde
que les entreprises avec qui l’on tra-
vaille ont de nouveaux produits,
on l’adapte en langue des signes. »
Depuis l’année dernière, Sour-
dline travaille également avec la
mairie de la Garenne-Colombes.
Deux après-midi par semaine, un
conseiller aide les habitants sourds
dans leurs démarches. Le reste du
temps, ils peuvent se rendre sur
place où on leur remet une tablette
avec laquelle ils peuvent entrer en
contact avec un interprète à tout
moment.
« L’administration est le
besoin numéro un des sourds, notam-
ment pour faire les papiers, ou obte-
nir une place en crèche »
, poursuit
Caroline Mitanne. La Garenne-
Colombes est une mairie pilote :
avec les lois sur la mise en accessi-
bilité des lieux recevant du public,
le besoin risque d’exploser dans les
années qui viennent.
Alexandra traduit en simultané
devant la personne sourde
les informations du service client.