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n°42 - juillet-août 2015
maga z i ne
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en t r e t i en
juillet-août 2015 - n°42
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HDS
Depuis une dizaine
d’années, des liens directs
ont été établis entre l’attitude
des parents, le bon dévelop-
pement de l’enfant et ce qui
se passe dans son cerveau.
Quels sont ces liens ?
CG
Tout ce que l’on vit nous
mo d i f i e e n p e rma n e n c e ,
s’imprime au plus profond
du cerveau et le transforme
en profondeur. Or, l’enfant
a un cerveau beaucoup plus
malléable que l’adulte. Une
a t t i t u d e b i e n v e i l l a n t e e t
empathique des parents fait que
le cerveau de l’enfant « mature ».
Plus vous menacez l’enfant, plus
vous l’humiliez verbalement et
physiquement, moins son cerveau
se développe. Nous savons
désormais ce qui se passe chez
l’enfant quand l’adulte a telle ou
telle attitude et que ça va modifier
en profondeur ses molécules
cérébrales, ses neurones et
même ses gènes. C’est une
extraordinaire découverte…
HDS
Concrètement, comment
cela se traduit-il ?
CG
I l y a p a r e x e mp l e
une structure cérébrale, le cortex
orbito-frontal, qui nous permet
d’être pleinement humain :
savoir aimer, avoir de l’empathie,
réguler nos émotions, faire
des choix ou avoir un compor-
tement éthique. Les chercheurs
nous disent que si le parent ne se
comporte pas bien avec l’enfant,
cette partie du cerveau ne va pas
se développer correctement.
HDS
Vous allez même plus
loin en disant que l’enfance
est fondamentale et structure
la construction de la société
future…
CG
Tout à fait. Les pays nordiques
ont mené une réflexion globale
sur la société en se faisant,
no t ammen t , a c c omp a gne r
de neurobiologistes. Ils ont
pris la mesure de l’importance
de la petite enfance. Si l’on est
attentif à ce que l’être humain
se développe bien, les relations
humaines et les rapports sociaux
se pacifient.
HDS
Vous parlez du cerveau
archaïque, qui déclenche
nos réactions instinctives
face à la peur et au danger.
Comment se développe-t-il
au début de notre vie ?
CG
À la naissance, le cerveau
archaïque est dominant. L’enfant
est extrêmement fragile et en état
de survie, il dépend totalement
des autres. Quand ses besoins
des neurones dans des parties
importantes de son cerveau
qui permettent de mémoriser
et d’apprendre.
HDS
Y a t-il néanmoins
une part d’inné dans nos
comportements ?
CG
Notre tempérament est
d ’ a b o r d d a n s n o s g è n e s .
Un enfant va par exemple être
plus ou moins anxieux ou entre-
prenant. C’est le rôle des parents
de connaître leur enfant. Si un
enfant prend trop de place, parle
tout le temps, il ne faut pas
« l’éteindre » mais lui apprendre
que les autres ont aussi leur place.
Si un enfant est très timide, on
va d’autant plus l’encourager…
Mais on sait aujourd’hui que c’est
d’abord l’environnement social et
culturel dans lequel nous sommes
élevés qui fait de nous ce que nous
sommes.
HDS
Entre huit et quatorze
mois, l’enfant commence à
de mûrir. Les seules deux choses
à transmettre impérativement
c’est qu’on ne se fait pas du mal
à soi-même et qu’on ne fait pas
du mal aux autres.
HDS
Vous d i tes que l e
comportement des parents
influe sur celui de l’enfant.
La réciproque est-elle vraie ?
CG
Tout le temps. On peut avoir
cinq enfants et ne jamais réagir
de la même manière avec les cinq.
On réagit toujours en fonction
de ce que l’autre est. Une relation
est toujours dans la réciprocité…
HDS
Certains parents surpro-
tègent leur enfant. Est-ce
bénéfique pour lui ?
CG
Il ne faut jamais surpro-
téger un enfant. L’être humain
à un immense besoin de liberté.
Généralement, les parents veulent
que l’enfant leur obéisse immédia-
tement mais l’enfant résiste car
un être humain qui va bien ne veut
pas qu’on le commande.
HDS
Beaucoup de choses
semblent se jouer à la petite
enfance. Mais le cerveau
continue-t-il à se développer
ensuite ? Car à l’adoles-
cence, l’enfant est confronté
à d’autres tentations, d’autres
dangers…
CG
Il faut vingt-cinq ans pour que
le cerveau devienne adulte et il se
développe même jusqu’à la fin de
notre vie. Avec l’adolescent, il faut
comprendre ce que l’autre vit et
comprendre ses émotions. Il faut
se souvenir comment on était ado
et réaliser que son enfant a envie
de faire des expériences en dehors
de la maison, de se confronter au
monde. Il faut lui dire « je te fais
Spécialisée dans le soutien à la parentalité,
la pédiatre Catherine Guéguen prône une attitude bienveillante
des parents
pour le bon développement du cerveau de l’enfant.
confiance, tu vas avoir des proposi-
tions pour faire des choses que tu
juges qu’il ne faut pas faire. À toi
de prendre position ». La vie n’est
pas linéaire, elle est composée
d’expériences, de réussites et
d’échecs. Ce n’est pas grave de
faire des erreurs. Il faut seulement
savoir les reconnaître et en parler.
HDS
Les adultes ont-ils
t endance à r ep rodu i r e
le même schéma éducatif
que celui de leurs parents ?
CG
Certains parents ne veulent
pas reproduire ce qu’ils ont vécu
quand ils étaient jeunes et de
temps en temps, j’entends certains
me dire : « je m’entends dire les
mêmes choses que ma mère me
disait ». Et puis d’autres me disent
qu’ils ont reçu une éducation très
stricte, qu’ils se sentent très bien et
qu’ils veulent faire la même chose.
HDS
Vous avez pointé du
doigt la nocivité de l’édu-
cation par la peur et principa-
lement celle de la punition et
du châtiment corporel…
CG
Tous les parents ont envie
de bien faire avec leurs enfants
et voudraient qu’ils deviennent
soc i ab l e s . Ma i s l a p l upa r t
du temps, ils pensent que pour
éduquer leur enfant, il faut
crier, punir et menacer. On sait
désormais que dans ce cas, l’enfant
imite le parent et se met lui aussi
à crier. Les enfants qui subissent
les éducations punitives et sévères
vont devenir durs, insensibles,
agressifs et violents.
n
Propos recueillis
par Mélanie Le Beller
Photos Jean-Luc Dolmaire
Pour une enfance heureuse
,
Éditions Robert Laffont.
être curieux et s’expose au
danger. Comment les parents
peuvent-ils faire face à cette
curiosité ?
CG
Il faut absolument encou-
r a g e r l’ e n f a n t à e x p l o r e r
le monde qui l’entoure. Plus
il prend du plaisir, plus il sécrète
une substance qui s’appelle
la dopamine et qui donne
du plaisir à vivre, qui nous rend
créatifs, qui nous donne de l’allant.
L’enfant est un tourbillon de vie.
Jouer pour lui est fondamental.
HDS
Mais comment poser les
limites et lui faire prendre
conscience d’un risque, par
exemple ?
CG
Il faut être patient, l’arrêter
quand c’est dangereux, tout
en lui donnant confiance. Il ne
faut jamais dire que ce qu’il fait
n’est pas bien ou qu’il n’est pas
bien. Tout ce qui l’humilie ou
le dévalorise empêche son cerveau
Prévenir les accidents domestiques
La plateforme en ligne Questions de famille aborde
cet été la prévention des accidents domestiques.
Sur hauts-de-seine.net, rubrique solidarités, vous
pouvez retrouver, outre l’intervention de Catherine
Guéguen, des débats d’experts sur cette probléma-
tique et des reportages. Vous pouvez aussi poser direc-
tement vos questions en ligne.
n
Il faut encourager
les enfants à explorer
le monde qui les entoure
profonds – comme le besoin de
protection, d’affection, de calme,
de jeu – ne sont pas satisfaits,
il peut attaquer ou fuir. C’est
pourquoi, quand un enfant
pique une colère, il faut l’aider à
comprendre ses émotions pour
apaiser sa structure cérébrale
car il ne peut pas s’apaiser seul.
Dès qu’on le stresse, on détruit