juillet-août 2015 - n°42
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n°42 - juillet-août 2015
c u l t u r e
po r t r a i t
CD92/O
livier
R
avoire
l y a des lieux qui impres-
sionnent. Les grandes insti-
tutions culturelles, héritières
de siècles d’évolution sont
de ceux-là. Et, partant,
les femmes et les hommes qui les dirigent
intriguent, comme si la responsabilité d’un tel
trésor supposait l’appartenance à une espèce
un peu mystérieuse, entre le sphinx qui sait
et le cerbère qui garde. Romane Sarfati aurait
pu être de celles-ci si elle n’était bien de son
époque. Loin de considérer la Manufacture
comme l’une des sinécures de la République,
elle s’est placée dans la dynamique de son
prédécesseur David Caméo qui, en dix ans, a
transformé un lieu souvent peu lisible pour le
public, même connaisseur, en une référence
reconnue internationalement. Avec chez elle
quelque chose de différent - sans doute le
privilège d’un parcours à la fois classique et
buissonnier : Sciences-Po, école de commerce
et histoire de l’art ; galerie d’art contem-
porain, musée du quai Branly et… jeu vidéo, à
la grande époque de Cryo et des titres comme
Égypte, Versailles, Chine coproduits avec
la RMN. «
C’était à la fois une nouvelle forme
de créativité, un outil de diffusion grand public et
un changement de milieu : je passais des collec-
tionneurs et des grands patrons d’entreprise à des
types qui vivaient la nuit en ligne…
» Le parcours
avant Sèvres passe aussi par le ministère de
la Culture comme conseillère pour les arts
visuels, l’architecture, la mode, le design et les
métiers d’art. «
Ici, à la Cité de la céramique,
presque tous les champs sont concernés. Et c’est
justement ce qui m’intéresse : décloisonner, faire
que les différentes disciplines dans les différents
domaines se nourrissent mutuellement.
»
Production, diffusion sont deux pôles qui
semblent la guider dans son travail en perma-
nence. «
Ce qui m’anime, c’est toujours le projet :
une idée, une ambition, une équipe pour atteindre
l’objectif. Que ce soit une exposition ouverte à
tous ou la diversification des productions de la
Manufacture.
»
La rénovation de la Cité de la céramique
portée par Romane Sarfati s’inscrit donc
dans un rythme ternaire puisqu’il y a quand
même du classicisme chez cette directrice
d’aujourd’hui. «
Le premier axe consiste à
valoriser la Manufacture et ses savoir-faire.
Le musée a été créé au début du XIX
e
siècle
par Alexandre Brongniart comme musée
de la Manufacture de Sèvres. Et ce lien
demeure fort pour notre public, intéressé par
la Manufacture et ses coulisses. Deuxième axe :
maintenir la dynamique, relancée par David
Caméo, autour de la création contemporaine.
Troisième axe enfin, renouveler la manière dont
on présente notre collection de céramiques du
monde entier, sans tout déployer des origines
à nos jours. Suivre les routes de la céramique,
montrer cette relation de Sèvres au monde, ouvrir
la dimension sensorielle de la matière. L’expé-
rience multimédia m’a permis de saisir toute
l’importance de la dimension narrative. Comme
dans un film, le récit est le fil conducteur possible
d’une démarche pédagogique. Cela sera l’une des
dimensions de la rénovation.
»
À l’horizon : développements artistiques,
culturels et commerciaux avec les régions
du monde dont la céramique est un patri-
moine vivant, et commandes exceptionnelles
à la Manufacture. Laquelle est toujours
chargée, pour un quart de sa capacité de
production environ, des « attributions » :
décoration des palais de la République et
cadeaux diplomatiques qui la rendent ainsi
présente un peu partout dans le monde.
«
Les dix dernières années ont été surtout consa-
crées à remettre la Manufacture dans son temps.
C’est le moment maintenant de souligner une
dimension totalement inscrite dans son histoire :
l’ouverture sur le monde, les créateurs interna-
tionaux, l’influence des autres cultures.
»
Au soleil dans les jardins de la Manufacture
ouverts au public ces temps-ci pour l’expo-
sition
Sèvres Outdoors
, Romane Sarfati laisse
affleurer une joie rafraîchissante - sans parler
de cette grâce élégante dont notre époque
corsetée et susceptible nous interdit de faire
état - qui affirme bien vite que l’ère poussié-
reuse des barbons d’autrefois est achevée.
Et augure que Sèvres - Cité de la céramique
va nous conter dans les années qui viennent,
une histoire pleine de surprises.
n
Didier Lamare
www.sevresciteceramique.frI
La nouvelle directrice de la Cité de la céramique,
à Sèvres, veut poursuivre la modernisation
de l’institution et l’ouvrir sur le monde.
“
“
La Manufacture
comme le Musée
sont des lieux
qui nous parlent
aussi bien d’art
contemporain
que d’art de vivre,
de patrimoine
que de création,
de transmission
que d’innovation.
Il y a ici, en
permanence,
un balancement
autour de
thématiques et
de disciplines qui
pourraient paraître
contradictoires
alors qu’elles
sont extrêmement
complémentaires
et constituent
notre identité :
Sèvres, c’est tout
cela à la fois !
Romane
Sarfati