mai-juin 2013 - n°29
        
        
          |
        
        
          HDS.
        
        
          mag
        
        
          |
        
        
          
        
        
          en t r e t i en
        
        
          que les terrasses sont en pente. En
        
        
          faisant les travaux de restauration,
        
        
          nous avons compris pourquoi. À
        
        
          quarante centimètres de profon-
        
        
          deur, il y a une couche d’argile qui
        
        
          fait plusieurs mètres d’épaisseur.
        
        
          Puisqu’il était impossible d’y tou-
        
        
          cher, Le Nôtre a ajusté l’inclinaison
        
        
          de ses parterres.
        
        
          
            HDS
          
        
        
          
            Quand commence
          
        
        
          
            l’aménagement du jardin ?
          
        
        
          PAL : Sceaux est aménagé pour
        
        
          Colbert, le principal ministre de
        
        
          Louis XIV. Le premier jardin est
        
        
          créé à partir de 1670. La compo-
        
        
          sition est assez restreinte. Une
        
        
          deuxième campagne de travaux
        
        
          a lieu entre 1683 et 1690. Le do-
        
        
          maine appartient alors à Colbert
        
        
          de Seignelay, le fils aîné de Colbert.
        
        
          Grâce aux nouvelles acquisitions
        
        
          foncières, Le Nôtre crée le grand
        
        
          axe avec un premier parterre haut
        
        
          de broderies de buis autour d’un
        
        
          nouveau bassin et un parterre bas
        
        
          de pièces coupées de gazon. C’est
        
        
          de ce jardin que l’on s’est inspiré
        
        
          pour le chantier de restauration.
        
        
          Sachant que Le Nôtre meurt en
        
        
          1700, c’est l’état de référence qui
        
        
          nous a paru le plus significatif.
        
        
          
            HDS
          
        
        
          
            De quelles sources d’in-
          
        
        
          
            formation disposiez-vous ?
          
        
        
          PAL : Pour Sceaux, comme pour
        
        
          tous les autres jardins de Le Nôtre,
        
        
          on ne dispose d’aucun dessin de
        
        
          ce dernier en dehors d’une ving-
        
        
          taine de petits croquis. Le Nôtre
        
        
          avait bien évidemment des colla-
        
        
          borateurs qui faisaient des dessins.
        
        
          Mais sur les chantiers ils prenaient
        
        
          la pluie, traînaient dans la boue.
        
        
          À la fin, il n’en restait donc plus
        
        
          grand chose. En revanche, de nom-
        
        
          breux dessins, gravures, tableaux
        
        
          ont été faits a posteriori puisque
        
        
          ces grands domaines étaient cé-
        
        
          lèbres. Pour Saint-Cloud ou Ver-
        
        
          sailles par exemple, on possède
        
        
          aussi les mémoires des travaux,
        
        
          c’est-à-dire les factures. On est très
        
        
          bien documenté en archives sur
        
        
          les grands domaines royaux ou
        
        
          princiers.
        
        
          
            HDS
          
        
        
          
            Est-ce que l’on sait
          
        
        
          
            quand les broderies ont dis-
          
        
        
          
            paru du domaine de Sceaux ?
          
        
        
          PAL : La Révolution correspond à
        
        
          une période d’abandon où les bro-
        
        
          deries ne sont plus entretenues.
        
        
          Quand les nouveaux propriétaires
        
        
          s’installent au XIX
        
        
          e
        
        
          siècle, les goûts
        
        
          ont évolué. À partir des années
        
        
          1770 déjà, la mode des jardins à
        
        
          l’anglaise arrive en France : Chan-
        
        
          tilly, Trianon, La Folie Saint-James
        
        
          à Neuilly, Bagatelle… Le jardin à
        
        
          la française est considéré comme
        
        
          rigide, ennuyeux, peu romantique.
        
        
          Se pose en plus la question des
        
        
          coûts d’entretien. Ainsi, au XIX
        
        
          e
        
        
          siècle, à Sceaux, la famille de Tré-
        
        
          vise qui fait reconstruire le château
        
        
          opte pour un jardin à la française
        
        
          simplifié avec des gazons et des ifs.
        
        
          
            HDS
          
        
        
          
            Des ifs qui vont être
          
        
        
          
            conservés…
          
        
        
          PAL : Nous avons souhaité conser-
        
        
          ver une mémoire de ces époques
        
        
          plus récentes. Ces grands ifs re-
        
        
          présentent une certaine image de
        
        
          Sceaux aux yeux du public. Ils ont
        
        
          plus de cent ans et devraient dis-
        
        
          paraître dans quelques décennies.
        
        
          Nous allons parallèlement rétablir
        
        
          à côté les topiaires qui existaient au
        
        
          XVII
        
        
          e
        
        
          siècle. Quand les ifs disparaî-
        
        
          tront, ceux-là auront grandi. Car ce
        
        
          qu’il ne faut pas oublier, c’est que
        
        
          contrairement à l’architecture, le
        
        
          jardin est un travail d’anticipation
        
        
          et de patience.
        
        
          
            HDS
          
        
        
          
            Comment expliquez-
          
        
        
          
            vous que quatre siècles après
          
        
        
          
            leur création les jardins de
          
        
        
          
            Le Nôtre suscitent toujours
          
        
        
          
            un tel engouement ?
          
        
        
          PAL : En France, entre 1925 et
        
        
          1975, il y a eu un désamour pour le
        
        
          jardin, contrairement à l’Angleterre
        
        
          par exemple où la tradition a tou-
        
        
          jours existé. C’est la période où les
        
        
          campagnes se vident et où la ville
        
        
          représente le progrès. Puis arrive
        
        
          la prise de conscience écologique
        
        
          et, avec elle, un regain d’intérêt
        
        
          pour le jardin. Aujourd’hui le jar-
        
        
          din historique répond à la fois à la
        
        
          demande de nature et de culture.
        
        
          Or, Le Nôtre a créé un modèle qui
        
        
          s’est diffusé dans toute l’Europe :
        
        
          en Allemagne, dans les Flandres,
        
        
          aux Pays-Bas, en Russie… C’est
        
        
          un des éléments rayonnants de la
        
        
          culture française.
        
        
          n
        
        
          
            Propos recueillis par Émilie Vast
          
        
        
          
            Photos : Jean-Luc Dolmaire
          
        
        
          Contrairement à
        
        
          l’architecture, le jardin
        
        
          est un travail d’anticipation
        
        
          et de patience.
        
        
          votre
        
        
          tablette numérique
        
        
          et
        
        
          video.hauts-de-seine.net
        
        
          Visionnez l’interview
        
        
          de Pierre-André Lablaude sur
        
        
          Vue d’architecte de la
        
        
          grande perspective du
        
        
          Parc de Sceaux telle que
        
        
          l’on pourra la découvrir
        
        
          en septembre prochain.