HDS.mag n°39 - page 33

janvier-février 2015 - n°39
|
HDS
mag
|

en t r e t i en
la sauver en la figeant est une
erreur scientifique. Ce qu’il
faut, c’est maintenir ce système
actif, faire en sorte que le taux
d’extinction soit comparable
au taux de différenciation des
lignées.
HDS
Venons-en à la fabri-
cation du vivant. On pense
immédiatement aux OGM.
Concrètement, qu’est-ce que
c’est ?
PHG
Les organismes généti-
quement modifiés cultivés à
l’heure actuelle sont quasiment
tous des plantes dans lesquelles
on a entré des gènes provenant
de bactéries qui vont avoir deux
types d’effet. Le premier : tuer les
insectes qui pourraient manger
la plante. Ces OGM produisent
donc leur propre insecticide.
Le deuxième effet c’est de rendre
la plante résistante à un herbicide.
HDS
Quels problèmes cela
pose-t-il ?
PHG
Le premier problème c’est
qu’après une vingtaine d’années,
les insectes commencent à
devenir résistants. Le deuxième
est que la plante résistant aux
Une pure invention de l’homme.
Et pourtant, qui peut prédire ce
que sera le CAC 40 dans un an ?
Si les hommes modifient le vivant,
c’est-à-dire qu’ils agissent sur des
systèmes autoreproductibles,
c’est encore moins contrôlable.
Il faudrait déjà abandonner
l’idée qu’un être vivant est
entièrement déterminé par
ses gènes. Il est déterminé par
l’interaction de trois éléments :
l’information génétique bien
évidement, mais aussi l’infor-
ma t i o n « é p i g é n é t i q u e »
puisqu’on n’hérite pas d’un ADN
nu mais d’un ADN contenu
dans des cellules qui viennent
lire l’information génétique.
Et le troisième élément c’est
l’environnement. C’est un peu
comme la musique. Elle dépend
de la partition, de la personne qui
la lit et du lieu dans lequel elle
est jouée.
HDS
D’où ce que vous appelez
le « déni de complexité »…
PHG
Ce « déni de complexité »
est une caractéristique de la
techno-science. Nous n’avons
pas aujourd’hui les compé-
tences pour appréhender toute
la complexité du monde vivant.
Donc le chercheur qui entend
fabriquer la vie artificielle
prend le matériel qui compose
un organisme comme les pièces
La Science se Livre 2015
Du 24 janvier au 11 février, le conseil général propose, dans le
cadre de cette manifestation de diffusion de la culture scienti-
fique auprès du grand public, une centaine d’animations dans
des bibliothèques, médiathèques et autres lieux culturels des
Hauts-de-Seine. Cette quinzaine - qui aura pour thématique
le « vivant » - sera précédée d’une soirée inaugurale organisée
le 21 janvier à l’Université Paris Ouest Nanterre-La Défense.
Programme complet sur
rubrique culture.
d’un Lego. Il pense qu’on peut
changer une petite brique sans
modifier l’ensemble. C’est une
grave erreur. On ne peut pas,
à l’heure actuelle, mesurer
toutes les conséquences de ce
bricolage évolutif. Et cela vaut
pour les OGM comme pour
le clonage.
HDS
Alors quelle est la
solution ?
PHG
Premièrement, il ne faut
pas se rassurer, selon moi, en
se disant qu’on n’arrivera pas
à faire scientifiquement ou techni-
quement telle ou telle chose.
Certains disaient que le clonage
était impossible. Et puis il y a eu
Dolly et depuis le débat n’est pas
réglé. Il n’est pas question non
plus d’être contre tout progrès.
Personne ne veut revenir à l’âge
des cavernes. La science étudie la
nature et comme l’a dit Thomas
Huxley, la nature n’est ni morale
ni immorale, elle est amorale.
En revanche, les techniques qui
découlent des découvertes scien-
tifiques sont nécessairement liées
au cadre idéologique dans lequel
elles sont produites. Je pense qu’il
faut donc réfléchir à quel progrès
nous souhaitons et surtout se
poser des limites.
n
Propos recueillis
par Émilie Vast
Photos : Jean-Luc Dolmaire
herbicides, les quantités déversées
dans le monde ont augmenté,
entraînant des problèmes de
pollution, de santé publique…
E t pu i s , c omme pou r l e s
insectes, les mauvaises herbes
commencent à résister.
Mais le problème auquel on pense
rarement, c’est celui du brevet.
Quand on introduit un gène
dans une plante, on dépose un
brevet dessus. Résultat : la plante
que l’on cultive étant brevetée,
on n’a pas le droit de resemer
les graines qu’elle produit. La
conséquence est que si la plante
OGM pollinise le champ du
voisin, ce dernier va contenir des
graines OGM brevetées. L’agri-
culteur ne pourra pas les resemer.
On réduit donc au fur et à mesure
la diversité des semences. Si dans
quelques années, les trois quarts
des plantes, toutes homogé-
néisées, étaient détruites par une
maladie, cela créerait une famine
sans précédent…
HDS
Selon vous, l’homme
pense à tort qu’il maîtrise ce
qu’il fabrique…
PHG
Il n’y a qu’à regarder
notre système économique.
On ne peut pas mesurer
toutes les conséquences
du bricolage évolutif
1...,23,24,25,26,27,28,29,30,31,32 34,35,36,37,38,39,40,41,42,43,...76
Powered by FlippingBook