Les grandes périodes artistiques
Dans l’exposition
Picasso devant la nature
, une peinture et plusieurs dessins, tracés à l’encre ou au crayon graphite, révèlent l’influence des
paysages et des
Baigneuses
de Cézanne.
Paysage aux deux figures
(Ill. 1) systématise la simplification des formes et la technique des « pas-
sages cézanniens ». Picasso y dispose deux figures, l’une étendue et l’autre debout, que le traitement pictural, identique à celui du paysage,
contribue à faire disparaître. Seuls les arbres et la ligne oblique de l’horizon suggèrent la profondeur du paysage, où le jeu consiste à retrouver
les deux silhouettes, l’une se confondant avec les racines de l’arbre au pied duquel elle se repose, et l’autre, avec le tronc contre lequel elle
s’appuie.
Quant aux études pour
Baigneuses dans la forêt
(printemps 1908, Paris, musée Picasso), elles poursuivent une réflexion menée en 1907 sur
la représentation de plusieurs figures dans un paysage. Picasso en avait tiré
Trois femmes
(Saint-Petersbourg, musée de l’Ermitage), achevé
à l’automne 1907, dans la foulée des
Demoiselles d’Avignon
. Dans les dessins de l’exposition, Picasso est passé à cinq femmes, multipliant
« les contrastes d’attitudes, de rythmes et de reliefs, scandés par le mouvement des arbres »
(voir Daix, 2012, p. 82). Il s’inspire probablement
desmodèles « cézanniens », même si le caractère anguleux des formes et l’attitude des baigneuses aux bras levés conservent, dans l’un de ces
dessins, le souvenir des
Demoiselles d’Avignon
. D’autres dessins de l’exposition (
Maisons sur la colline
, printemps-été 1909, Paris, musée
Picasso) démontrent admirablement que le cubisme fut un « art de la réduction » : celui des formes à de simples cubes qui s’emboîtent et se
superposent. Ces dessins sont associés à trois vues de Horta de
San Joan, prises par Picassoen1909, qui révèlent les formes géomé-
triques desmaisons de ce village catalan, serrées les unes contre les
autres, au sommet d’une colline : ces photographies ont constitué à
une documentation, tirée de la nature, que l’artistemit au service de
sa réflexion sur le paysage.
Pionnier de la rupture avec les apparences du réel, Picasso flirta
parfois avec l’abstraction.
L’Arbre
(Ill. 2) de l’été 1907 illustre cette
tentation : l’artiste y réduit le motif à de grands aplats de couleur
bruns et verts, nuancés de quelques frottis clairs, plus ou moins
cernés comme les pièces d’un vitrail, qui semblent éliminer
« toutes
traces des apparences sensibles »
(voir Daix, 2012, «Abstraction »).
Toutefois, la répartition des couleurs permet encore de deviner le
tronc, les branches et le feuillage de l’arbre.
L’Arbre
Été1907Huilesurtoile94x93,7cm-DationPabloPicasso,1979
MuséenationalPicasso-Paris,MP21
©RMN-GrandPalais (muséenationalPicasso-Paris)/AdrienDidierjean
©SuccessionPicasso,2017
10