Une peinture sauvage pour dénoncer la guerre
Attiré par le groupe des surréalistes, Picasso créa des formes ambiguës, fragmentées et recomposées, parfois proches de l’abstraction, partici-
pant d’une tendance qui se développa dans les années 1930 : le biomorphisme (
Femme lançant une pierre
, 1931, Paris, musée Picasso). Dans
cettedécennie, marquéepar laguerred’Espagne, sa peinture aborda également des thèmes plus sombres (
LaMort du torero
, 1933, Paris, musée
Picasso) et douloureux (
Guernica
, 1937, Madrid, Museo nacional centro de Arte Reina Sofia).
Guernica
, grande fresque monochrome présentée
à l’Exposition universelle, évoque ainsi le bombardement d’un village du Pays basque espagnol, par l’aviation allemande aux ordres du général
Franco, le 28 avril 1937.
Tableaux de sable, assemblages et « sculptures marginales »
Comme de nombreux peintres au XX
e
siècle, Picasso s’est essayé à la sculpture, dès les premières années du cubisme, contribuant au décloison-
nement des disciplines et faisant ainsi dialoguer peintureet sculpture. Avant les
Ready-made
deMarcel Duchamp, il composadepremiers assem-
blages à partir d’éléments divers (voir la sériedes guitares ou la sculpture, plus tardive, d’une têtede taureau composéed’une selleet d’unguidon
de bicyclette). La frontière entre ces deux arts était parfois ténue.
Durant le mois d’août 1930, alors qu’il séjournait à Juan-les-Pins,
Picasso réalisa par exemple une série de « tableaux de sable » ou
« tableaux en relief », consistant en l’assemblage d’objets trouvés et
d’éléments naturels, sablés dans le cadre d’un « tableau retourné »
(Ill. 4). En 1933, l’artiste fit entrer un papillon naturel dans sa compo-
sition, représentant sommairement deux personnages, matérialisés
par des brindilles, de la ficelle, un bout de tissu et une punaise, au
cœur d’undécor naturel seulement évoquépar des végétaux, notam-
ment une feuillemorte (voir Maldonado, 2017, pp. 134-135).
Dans un autre registre, Picasso « bricola » de petites sculptures en
papier déchiré, qui entrent dans la catégorie des « sculptures margi-
nales » (voir Picasso. Sculptures, 2016-17, p. 199, 206 et 207). Ces
œuvres d’improvisation, réalisées en 1943, puis collectionnées par
DoraMaar, photographe, peintre et principal modèle dePicassoentre
1936et 1943, attestent de la spontanéité créatricede l’artiste. Elles
illustrent tout un bestiaire (tête de renard, d’oiseau, de chèvre, de
poisson) et quelquesmotifs récurrents dans l’œuvre de l’artiste (tête
de mort). Dans l’exposition, l’une de ces « sculptures marginales »
représente une feuille de platane, constituée à partir d’un paquet de
cigarettes déchiré et plié.
Objet à la feuille de palmier
27août1930-Sableteintéparendroitssurreversdetoileetchâssis,végétaux,
carton,clousetobjetscollésetcousussurtoile25x33x4,5cm
DationPabloPicasso,1979-MuséenationalPicasso-Paris,MP129
©RMN-GrandPalais (muséenationalPicasso-Paris)/MathieuRabeau
©SuccessionPicasso,2017
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