janvier-février 2014 - n°33
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olivier
ravoire
epuis plus de quinze ans,
le théâtre de Vanves égrène
ses pépites sur la scène
contemporaine. 150 spec-
tacles sont programmés
cette année, avec pour fer de lance le fes-
tival Artdanthé – quinze créations tout de
même ! - qui mêle théâtre, danse, musique,
cinéma… Côté coulisse, José Alfarroba
maintient le cap. Dénicheur de talents,
accoucheur de projets, passeur culturel
obstiné, il est un peu tout cela à la fois. Les
artistes passés par Vanves en savent quelque
chose. Danseurs, chorégraphes, comédiens,
metteurs en scène, musiciens, tous se sont
retrouvés un jour sous l’œil affûté de cet
homme pas ordinaire.
Il faut dire que le théâtre de Vanves est
devenu, grâce à l’énergie et au flair de
son directeur, un formidable incubateur
de talents pour la danse et le spectacle
vivant. Un lieu un peu à part où le goût
de la découverte donnerait sa cohérence
à une programmation dont le directeur
assume l’éclectisme :
« En arrivant à Vanves
il y a quinze ans, j’ai d’emblée choisi de sortir
des sentiers battus. Ça ne pourrait se faire
sans une formidable équipe qui, avec force et
conviction, questionne et façonne avec moi la
programmation que nous concevons comme
un acte artistique »
. On pense par exemple
au
Platonov
mise en scène par Benjamin
Poirée l’an dernier ou aux
Particules élé-
mentaires
, adapté par Julien Gosselin, la
révélation du dernier festival d’Avignon.
Pour « concocter » chaque saison, José Al-
farroba et son équipe voient ensemble une
centaine de spectacles par an. Parmi eux, des
artistes prometteurs qu’ils accompagnent sur
la scène vanvéenne, mais aussi des fidèles,
qui reviennent
« comme à la maison »
. C’est
le cas du chorégraphe Loïc Touzé ou du duo
de dramaturges italiens Ricci/Forte qui seront
au programme de la 16
e
édition d’Artdanthé à
partir du 24 janvier.
« Il faut laisser l’expérimen-
tation se faire, donner la possibilité aux jeunes
compagnies de s’exprimer librement. Mon rôle
consiste d’abord à écouter un artiste, le défendre,
le suivre pour ensuite déclencher l’envie chez le
spectateur »
, explique-t-il. José Alfarroba est
un directeur de théâtre instinctif, passionné,
qui a construit une histoire fusionnelle avec
la scène. Cette histoire débute au Portugal et
se poursuit en France, dans l’ébullition des
années 70. Né en 1950, il grandit à Portimão,
au sein d’une famille qu’il décrit comme
« très ouverte à la culture »
:
« mon père m’a
beaucoup encouragé à lire. J’avais plus de livres
que de jouets à la maison… »
. Ses premières
découvertes s’appellent Stevenson, Dickens,
puis Steinbeck, Dos Passos ou encore Sime-
non,
« l’auteur qui m’a fait connaître Paris »
.
Comme beaucoup de jeunes gens de sa géné-
ration, il décide de fuir le régime de Salazar.
Passant clandestinement la frontière avec un
ami, il débarque en France à 19 ans et s’em-
presse d’aller voir
Z
, le film de Costa-Gavras,
qui avait été censuré dans son pays. L’arri-
vée à Paris sera le catalyseur d’une curiosité
insatiable.
« Le théâtre, le cinéma, ont été mon
université. Pour une bouchée de pain, on pouvait
aller voir dans la même journée un spectacle à
Chaillot et plusieurs films à la cinémathèque. »
Installé dans un foyer pour jeunes travail-
leurs à Courbevoie, il enchaîne les petits bou-
lots. Régulièrement, il embarque avec lui des
jeunes au théâtre. Faisant un détour par la fac
de Vincennes, José Alfarroba se formera sur-
tout dans les mouvements d’éducation popu-
laire de l’époque : la fédération Léo-Lagrange,
Culture et Liberté. Il rejoindra ensuite la ville
de Clichy, où il donnera naissance au tout
premier festival français de BD. En 1984, il
prend la direction du théâtre Rutebeuf avant
d’être nommé à Vanves, en 1998.
Au fil de cette belle aventure, aucune lassi-
tude ne s’est installée :
« Je fais le plus beau
métier du monde ! Je continue tous les jours à
être surpris. Il faut rester en éveil permanent
et garder sa curiosité intacte pour découvrir
des projets ambitieux, novateurs. »
Chez ce
grand voyageur, le principal moteur reste
celui du partage. Partage de l’émotion que
le spectacle doit susciter, pour peu qu’on
sache lâcher prise.
n
Élodie d’Athis
16
e
édition du Festival Ardanthé, du 24 janvier
au 5 avril.
D
“
“
créateur du festival Artdanthé, José Alfarroba
arpente les sentiers de la création, toujours
avec une longueur d’avance.
Le théâtre de
Vanves est avant
tout une aventure
collective, avec une
équipe qui assume
la même ligne
artistique que moi.
Chaque saison
culturelle, nous
la construisons
comme un acte
artistique à part
entière. Une
alchimie faite
de tricotage, de
découvertes... Pour
nous il n’y a pas de
grands ou de petits
dossiers. Nous
soutenons chaque
artiste, chaque
compagnie avec
la même force, en
partageant l’envie
de faire connaître
la création.